Nous avons reçu la visite d’un contrôleur de l’URSSAF. Voici comment il a considéré notre politique de BYOD (Bring Your Own Device ou Apportez Vos Outils Personnels)
Un contrôle des URSSAF !
L’été dernier, nous avons reçu ce courrier dans la boîte aux lettres :
S’ensuivait sur une deuxième page dix-huit autres bullets pour d’autres documents pour les trois dernières années.
Nous avons un responsable administratif et un cabinet d’expertise comptable travailleurs, rigoureux, et très expérimentés, donc au fait de la loi, en théorie et en pratique. Cela nous coûte 2% du chiffre d’affaires en achats, sans compter le temps que nous y passons. Donc tout est très bien tenu, dans des pochettes (électroniques et physiques) par année : comptabilité, fiscalité, paies, social, achats, ventes…
Une gestion au cordeau qui revient cher
Depuis que nous avons créé notre cabinet, nous avons naturellement choisi d’avoir des outils aux petits oignons, notamment informatiques. Nous faisons un métier où les coups de feu sont courants, donc il faut pouvoir travailler vite, bien, sans risque de perte de données, tout le temps et depuis quasi n’importe où. C’est pour ça que nous avons choisi des standards de l’internet et des machines et systèmes standards, avec smartphone et abonnement permettant de se connecter à internet en mobilité.
Mais, dans les standards, il reste l’éternel choix « PC ou Mac » et toute une gamme de produits dans chaque monde, chaque produit étant plus ou moins bon sur un des critères suivants : poids, taille (beaucoup d’entre nous ont des deux-roues), puissance, stockage, robustesse, ergonomie, design, autonomie, richesse d’offre logicielle…
Donc, comme les artisans qui choisissent leur boîte à outil, chaque consultant doit pouvoir choisir son package ordinateur portable, smartphone et abonnement téléphonique qui lui convient le mieux pour sa pratique du métier. Qu’il soit associé ou salarié.
Peu après la création en 2008 du cabinet, nous avons discuté avec notre expert comptable, qui nous a mis en garde sur le thème « je n’ai jamais vu faire », « ça peut être vu comme un avantage en nature donc soumis à charges sociales et fiscales », pour finir par « et pourquoi n’achetez-vous pas comme tout le monde les habituels HP, Dell, Asus, et Lenovo au nom de la société et on n’en parle plus ? ».
Nous ne nous sommes pas satisfaits de ces réponses, et comme nous sommes obstinés, nous avons cherché.
Du principe à la réalité opérationnelle et légale
C’est vers cette époque que le BYOD a commencé à être connu. BYOD pour « Bring Your Own Device », ou AVOP en français, Apportez Vos Outils Personnels. Je me souvenais des Parties aux Etats-Unis, où c’était BYOB, pour « Bring Your Own Beer ». Les Américains, toujours pragmatiques et portés sur l’humour, ont fondé cet acronyme BYOD par dérivation du festif BYOB. Car dans la Silicon Valley, il n’est pas pensable de faire bosser les développeurs avec des machines « corporate ». Et en France, si vous trouvez quelqu’un de 20 à 30 ans heureux de travailler avec un ordinateur « corporate » au lieu de son portable favori, je trouverai ça bizarre.
Donc nous avons mis en place une politique AVOP. Contre une indemnité mensuelle qui couvre les frais d’équipement du package minimal du consultant, le consultant s’équipe pour pouvoir faire son métier avec efficacité et efficience, et est propriétaire ET responsable de son matériel, panne, perte et vol compris.
Comme tous nos systèmes sont des standards de l’internet, on prend n’importe quelle machine standard achetée à DARTY ou dans un Apple store, on la déballe, ou ouvre un navigateur, on installe la suite bureautique, et ça marche !
Liberté de choix
Comme certains malgré tout pouvaient préférer avoir une machine de l’entreprise, nous avons fait du « ni-ni » : l’AVOP n’est ni obligatoire, ni interdit. Si quelqu’un ne veut pas endosser la responsabilité de son équipement, il peut avoir une machine « corporate ».
Pour fixer tout cela, nous avons fait signer des convention AVOP disant notamment que le matériel doit permettre d’exercer le métier de consultant avec efficacité et efficience, avec des prescriptions techniques. Celui qui vient avec un vieux coucou récupéré sur le bon coin à 100 € et qui du coup n’arrive pas à travailler avec aura des soucis avec son manager, s’il n’en a pas déjà tout seul sur sa mission !
C’est ce que nous avons expliqué à notre contrôleur de l’URSSAF quand il est venu chez nous et est tombé sur la ligne « AVOP » dans notre grand livre comptable.
Sa question a été : « Mais qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas une rémunération déguisée ? ». Là dessus j’ai sorti la convention AVOP d’un dossier salarié, convention stipulant les obligations du salarié en échange de la subvention : principe d’efficacité et d’efficience pour le travail de consultant et spécifications techniques, cohérence du montant avec le coût du matériel et sa durée de vie et responsabilité de l’utilisateur.
Comme l’indemnité outillage dans le BTP !
Là dessus, la réflexion du contrôleur a été : « Ah, je comprends, en fait c’est comme l’indemnité outillage pour les salariés du BTP ». Tout à fait ! Je ne savais pas qu’une telle pratique existait, mais ça me semble cohérent et normal : il n’est pas pensable de faire travailler un artisan minutieux avec du matériel X s’il est totalement fan de matériel Y. Et ce dernier mettra un point d’honneur à avoir toujours un outillage en parfait état de marche.
Le contrôle a poursuivi son cours et s’est conclu par :
C’est exigeant et cher, mais c’est possible
Nous avons donc pu constater qu’en étant intelligents, transparents, rigoureux et cohérents, on arrivait à faire coincider la loi et la pratique opérationnelle.
Voir également nos articles :
« Pourquoi mettre en place le BYOD ? »
« Le BYOD pour garder vos talents et aider vos problèmes de trésorerie !«
Article du 7 jan. 2016 mis à jour le 25 sep. 2016 et le 12 fév. 2017
A ce propos voici un article de l’Express sur les contrôles URSSAF : http://lentreprise.lexpress.fr/gestion-fiscalite/impots-taxes/controle-urssaf-un-ex-inspecteur-raconte_1761629.html
Monsieur Kalousdian bonjour,
Serait-il possible d’échanger par rapport à votre article ? J’ai deux interrogations par rapport à votre politique de BYOD et de la réponse faite par l’URSSAF.
Vous pouvez me joindre par mail en me laissant vos coordonnées…
Par avance merci,
Cdt,
Yann
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant.
Mon entreprise est actuellement en cours de réflexion sur ce sujet et j’aurai aimé savoir comment vous aviez calculé le montant de l’indemnité mensuel et s’il était encadré par des textes de lois ?
Merci d’avance pour votre réponse,
Bien cordialement,
NL
Bonjour,
Si vous voulez faire du BYOD, vous pouvez déterminer le montant comme vous voulez de toutes façon se sera soumis à charges sociales.
En effet, les dépenses NTIC sont seulement exonérées de charges si elles correspondent à des frais réellement engagés par le salarié à des fins professionnelles et dans l’intérêt de l’entreprise.
Le BYOD c’est peut-être bien mais ça peut coûter plus cher à l’entreprise.
Le tout c’est de réfléchir à la ventilation dans le salaire brut.
Bonjour, comme expliqué dans cet article, ce n’est pas le cas. L’indemnité AVOP / BYOD a été considérée comme une prime d’équipement forfaitaire, non soumise à cotisations.
Cette diversité potentielle d’appréciation fait partie de la complexité du sujet du BYOD. L’aspect réaliste et raisonnable du montant de l’indemnité fait aussi sûrement partie de l’appréciation des contrôleurs.
Merci à vous pour votre apport au débat