Interpellé par une infographie de Thomas Chejfec, DSI de l’année 2010 catégorie PME, sur le Shadow IT, Frédéric Charles a décidé d’écrire un article sur GreenSI, blog de ZDnet.fr
En voici quelques extraits.
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La magie des réseaux sociaux c’est d’augmenter les chances de rencontrer les gens que l’on devait rencontrer parce qu’ils partagent les mêmes idées que vous.
C’est ce qui m’est arrivé cette semaine en voyant circuler dans un tweet une infographie de Thomas Chejfec sur le « shadow IT » et de le contacter via Twitter pour lui proposer d’écrire ensemble un article sur GreenSI. (…)
Son infographie présente le résultat d’une enquête qu’il a menée auprès de 129 « managers IT » sur le thème du « Shadow IT », ou l’informatique invisible, car conçue et utilisée sans autorisation de la Direction, et suivez mon regard, sans implication de la DSI. On parle bien sûr des applications sous Excel, des bases de données fantômes, d’ordinateurs ou de terminaux achetés dans le commerce et non déclarés à l’inventaire et même d’ERP… qui impacteraient le fonctionnement de l’entreprise s’ils venaient à disparaître.
« Shadow IT » est une terminologie apparue il y a 5 ans, mais qui révèle un phénomène bien plus ancien, peut être apparu avec les premiers ordinateurs individuels dans les entreprises, qui ont laissé une liberté infinie aux utilisateurs par rapport aux terminaux de sites centraux (mainframes). Surtout avec l’arrivée consécutive des logiciels bureautiques (Lotus 123, Wordperfect… puis Microsoft Office, sans oublier Access) directement dans les mains des utilisateurs. (…)
(…) pourcentage de fois où le terme est cité comme exemple de Shadow IT. En tête, les macros Excel mais aussi des phénomènes plus récents comme le BYOD – Bring Your Own Device – qui lui a été dopé par le développement des réseaux 3G et du Cloud.
Informatique fantôme mais besoins réels
Au-delà des chiffres, ce qui intéresse GreenSI dans ce phénomène, c’est le côté révélateur à la fois du fossé qu’il peut y avoir entre une DSI et des besoins de l’entreprise… ou du moins de certains utilisateurs. Et donc l’effort de transformation a accomplir côté DSI mais aussi utilisateurs, pour le combler et profiter pleinement du potentiel des technologies informatiques. Car certes, les initiatives des utilisateurs au plus près des besoins peuvent être perçues comme de l’innovation et en sont certainement parfois, mais n’oublions pas qu’elles font aussi courir un risque à l’entreprise, par exemple en cas de départ des petits génies. C’est donc la charnière création-industrialisation qui doit fonctionner et pas uniquement création ou industrialisation.
Les chiffres de l’étude montrent cependant que le phénomène est plus développé dans les structures où le ratio « effectif DSI / effectif total » est le plus faible (pour 50% des sociétés avec du Shadow IT, ce ratio est inférieur a 2%). Ce qui tend a montrer que finalement c’est aussi un indicateur de dimensionnement de la DSI. Si la DSI n’existe plus, les utilisateurs vont la recréer !
Une évidence dans les petites PME où la DSI n’existe pas. (…) Pour une PME entre 50 et 100 personnes, le seuil de structuration de la DSI et de gouvernance du SI est atteint, et des décisions doivent être prises par la DG.Le cas d’Excel est intéressant. Où est la limite entre un simple tableur financier et une application masquée de reporting des comptes aux marchés financiers? Et pourtant si une erreur se glisse dans ce dernier, c’est le cours de l’action qui peut chuter… et les auditeurs financiers avec. Des auditeurs qui n’aiment d’ailleurs pas que des états sortent de tableurs qu’ils seraient censés auditer et certifier, comme ils le font avec les applications. Dans ma DSI ce sont même les demandes de changement et de mise en production des applications sensibles qui sont auditées. Sur Excel a part la date de création et la dernière date de modification du fichier on ne peut pas dire grand chose de plus. Et combien de CRM, de gestion de stocks voire de facturation sont sous Excel ? Certainement beaucoup, car la Finance avec les Services aux professionnels, sont les deux secteurs qui ressortent du sondage comme les plus friands en ShadowIT.
Mais ces tableurs, à l’apparence anodine, ne sont pas en dehors de la loi de la pesanteur informatique: la montée de version. Car même Excel change de version et la compatibilité ascendante n’est pas toujours assurée sur les macros. Et quand elle l’est, la bonne gouvernance voudrait qu’elle soit testée. Or c’est là que le bât blesse, car comment tester des milliers de tableurs sous Excel, non répertoriés et reposant sur des utilisateurs dont ce n’est pas toujours uniquement la seule activité. (…)
Pour la Business Intelligence c’est un peu le même sujet, avec cette fois-ci la problématique d’être sûr que les données que l’on analyse et que l’on a prises dans les applications (sans demander) sont les bonnes et donc que les décisions que l’on prendra avec aussi. Car les applications sources évoluant, il n’est pas rare par exemple que l’on décide, de ne plus mettre les avoirs dans le fichier des factures, mais dans un fichier à part, et le décisionnel qui continue sans le savoir à lire un seul fichier devient faux.
Pour le Cloud c’est clairement la désintermédiation de la DSI qui est en jeu. Et là la DSI doit réagir en proposant de « légaliser » le système et en y amenant plus de sécurité, notamment sur les droits d’accès. Car des droits d’accès des applications contenant les données de l’entreprise, gérés par des fournisseurs, il n’y a pas besoin de lire des romans d’espionnage pour comprendre que c’est très risqué et sans trace d’audit.
Pour le BYOD, les utilisateurs veulent reprendre la main sur les outils de leur productivité et de leur collaboration. L’informatique personnelle que l’on achète en supermarché est souvent plus puissante que celle fournie par l’entreprise. La réponse de la DSI devrait être de proposer le BYOD, avec le contrat entre le SI et l’utilisateur qui va bien et de donner a chacun ses responsabilités. (…)
Vers une nouvelle répartition des tâches entre DSI et utilisateurs ?
D’un autre côté la DSI est bien contente qu’on ne vienne pas la chercher pour gérer ces applications visiblement nombreuses et presque à traiter au cas par cas avec chaque utilisateur. Car c’est bien la limite d’un modèle DSI très centralisé. Et si c’était le message porté par le développement du « shadow IS team », cet utilisateur qui assure le support informatique autour de lui avec pour seul bénéfice la reconnaissance de ses collègues.
Avec le développement des compétences informatiques chez les utilisateurs depuis les années 2000, pourquoi ne pas imaginer un support en réseau impliquant aussi les utilisateurs. Par exemple en utilisant un réseau social d’utilisateurs comme remontée d’information et chercher a stimuler l’entraide efficace entre utilisateurs, tout en restant vigilant pour faire intervenir le support au bon moment. (…) Et pourquoi pas un bouton « Feedback » sur chacune de nos applications comme on le trouve sur les sites internet pour automatiser ce lien entre le moment où l’utilisateur à besoin de support (où à une idée) et cette communauté de support mêlant DSI et utilisateurs?
Autant d’idées qui montrent qu’il est peut-être urgent de repenser les responsabilités de la DSI, d’en partager clairement certaines avec les utilisateurs et d’entamer le dialogue avec les métiers, mais surtout avec chaque utilisateur.
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Source : http://www.zdnet.fr/actualites/cachez-moi-cette-informatique-que-je-ne-saurais-voir-39785483.htm