Ayant eu la chance d’assister à un Master class sur la data organisé par le Club du grain numérique, je voulais revenir sur 4 paliers pour mieux utiliser la donnée.
« La data, cela n’intéresse que des spécialistes »
En préambule, la data n’est pas un sujet qui intéresse ! C’est un sujet complexe pour encore beaucoup de personnes. Même si un directeur commercial mesure l’action de ses forces de vente selon les données saisies… même si un DAF publie les chiffres de l’entreprise… même si un décideur veut anticiper les impacts de ses actions… la donnée n’est vue que comme une comodité pour beaucoup de monde. Malheureusement, je ne connais pas de résultats sans travail !
La prise de conscience
Il y a quelques années, j’assistai un client dans ses échanges avec l’éditeur Salesforce. Le directeur commercial de Salesforce avait insisté, à juste titre, sur l’importance des données. Lui-même utilisateur de sa propre solution, il répétait à ses équipes « ce qui n’est pas dans Salesforce ne compte pas ». Indépendamment de l’outil, ce que j’en ai retenu, c’est que nous avons tous de bonnes raisons pour ne pas tout indiquer dans les outils. Nous avons tous subi le « retard de saisie » de nos actions, qui empêche à l’outil d’être fiable. Quand ce n’est pas simplement le fameux « mais TES données, je ne m’y reconnais pas ! », argument classique pour éviter de créer la mesure collective.
A l’inverse, un contrôleur de gestion m’avait dit inverser cela. Seuls les métiers concernés étaient responsables de leurs données et de les expliquer !
La première étape est donc de se dire que la donnée reste un moyen de mesurer l’impact de ses actions. Ce n’est pas une fin en soi, mais un exercice incontournable pour poser les bonnes bases du pilotage.
La structuration
« Une fois le ménage fait dans sa chambre, c’est mieux de pouvoir parler la même langue avec les autres résidents ».
C’est le deuxième palier : les données de son service, de son équipe, de son business, de sa direction sont suffisamment mises en qualité pour être fiables, et vient alors l’envie de les connecter avec d’autres services, directions etc. Pour illustrer, une entreprise a besoin d’avoir une référence unique pour chaque client, pour pouvoir le suivre en efforts commerciaux, avec le chiffre d’affaires, avec la rentabilité, avec la fidélisation etc. Par ailleurs, si la fonction de Credit management détecte que ce client entre dans une nouvelle zone de risque, il devient critique pour une entreprise de savoir quel est son niveau d’exposition.
Dans cette étape de structuration de la donnée, il faut créer les clés de communication entre services, et savoir mettre autour de la table les personnes compétentes sur la donnée pour déterminer avec elles le référentiel : quelles sont les clés uniques (c’est-à-dire le numéro unique du client qui va rendre possible la communication entre toutes les bases). Cela vous parait-il trivial ? Les exemples que nous vivons montrent que c’est encore souvent une question ouverte dans de grandes organisations ; cela n’empêche pas de vendre, ni de payer la commission aux commerciaux… Parfois au prix d’achat de bases à l’extérieur, quand l’entreprise s’interroge entre le code SAP, le code Salesforce ou le… Siret !
La gouvernance
Suite à la première réunion sur les clés uniques, nous avons déterminé une dizaine de clés unique dans l’entreprise (ex : identifiant client, identifiant RH, identifiant fournisseur…). Pourquoi encore une étape ? Parce que les données sont à l’image du business, c’est-à-dire qu’elles s’enrichissent et se complètent en permanence. Le DAF décide d’un nouveau tableau de bord et souhaite pouvoir consolider une « vision à 360 » par gamme de produits. Comment peut-il le faire sans en parler au directeur marketing, responsable des gammes de produits ? Comment intégrer les nouveaux produits, qui transforment les gammes ?
Les données sont donc doublement vivantes : elles bougent par les événements autant que par les besoins de personnes dans l’organisation. Il est donc indispensable, pour ne pas perdre les efforts déjà mis en place, de définir et de mettre en œuvre une gouvernance des données.
Une anecdote illustre ce propos a contrario : à peine arrivé, le premier acte du directeur de BU d’un grand groupe a été de faire sécession du SI du groupe ! Cela lui permettait, par ce retrait, de reprendre la maîtrise de SON SI, et de SES données, et de réaffirmer ainsi que la gouvernance ne serait pas décidée par d’autres personnes dans sa BU !
En temps plus apaisé, la gouvernance permet de dialoguer sur les responsabilités respectives et réciproques, comme par exemple : « en tant que directeur commercial, j’administre les données de vente de l’entreprise et assure à tous la qualité des informations que mes équipes fournissent ou rendent accessible. ». Le DAF porte déjà cet engagement sur des informations financières fiables, notamment face aux marchés pour une entreprise cotée. S’il existe des fondamentaux sur les périmètres de responsabilité par métier, chaque entreprise aura des approches et des niveaux de maturité spécifiques. Les échanges entre métiers, structurés par la gouvernance, permettent à l’entreprise ou à l’organisation de progresser avec tous les membres qui portent une responsabilité.
La collaboration avec le monde extérieur
Ultime palier, souvent mis en avant pour attirer le chaland ! Il s’agit là de savoir si par exemple, les recettes de son entreprise sont corrélées à la température et à la météo. Quand on a des stocks de produits frais, c’est mieux d’éviter de produire trop. Ou à l’inverse de se retrouver en rupture de stock, dans certains pays.
La première collaboration avec l’extérieur est de vérifier que les données que l’entreprise achète, en cette époque d’open data, ne sont pas gratuites ! Quand l’entreprise achète depuis plus de vingt ans ses données auprès d’un fournisseur, pourquoi imaginer que le monde a changé et que les données vendues sont devenues gratuites ? Et puis, votre fournisseur de données retravaille les données transmises et vous garantit une mise en qualité… Parfois, vous aurez raison.
Ensuite, votre entreprise peut se rapprocher d’autres acteurs, avec une maturité forte sur la politique de la donnée : vous connaissez vos forces et vous savez ce dont votre entreprise a besoin de la part de tiers. Et vous connaissez la valeur des données qui peuvent faire l’objet de partage : soit par le travail de mise en qualité, que votre entreprise est la seule à faire sur le marché, soit par les analyses que votre entreprise a pu réaliser et qui ont contribué à améliorer la performance ou à développer les ventes.
En conclusion, travailler la donnée de son entreprise, c’est un peu comme se laver les dents ! C’est un rituel qui n’intéresse pas grand monde en tant que tel. Si on ne le fait pas pour garder ses dents plus longtemps, cela peut s’avérer utile pour avoir bonne haleine et rencontrer d’autres personnes !