Au-delà des attendus technologiques comme la robotique ou la réalité augmentée, 2018 laisse entrevoir des changements légaux et technologiques qui pourraient transformer durablement l’économie d’internet et les usages associés.
La régulation se met en place
La première chose qui vient à l’esprit lorsque l’on parle de nouvelles technologies, même à court terme, est assurément la robotique. 2018 sera-t-elle l’année du déploiement massif de robots dans nos rues et de drones au dessus de nos villes ?
Pas sûr. Si les technologies arrivent à maturité, des incertitudes demeurent sur la manière de les intégrer à notre écosystème. Dans le doute, le principe de précaution va s’appliquer et entrainer un retard dans le déploiement de ces technologies. Comme souvent, la ville de San Francisco donne le ton. Et elle a décidé de réguler fortement l’utilisation des robots mis en place pour la logistique du dernier kilomètre ou pour chasser les sans-abris… La ville envoie ainsi un message fort sur le rôle de régulateur que vont jouer les pouvoirs publics.
La seconde ligne sur la liste au père noël des consommateurs pour 2018 est la réalité augmentée (AR). Cette technologie qui consiste à appliquer des images numériques sur un environnement réel grâce à un téléphone pourrait bien devenir mainstream en cette nouvelle année. Apple prépare en effet un ARKit pour la nouvelle version de son système d’exploitation mobile.
Ce kit va permettre le déploiement d’applications de réalité augmentée par les vendeurs internet comme Ikea Place App : en vous promenant avec votre téléphone ou votre tablette dans votre salon, vous pourrez implanter du mobilier virtuel dans votre environnement réel.
Mais c’est bien sûr le marché des jeux vidéos qui va bénéficier grandement de cette technologie et proposer des expériences toujours plus immersives, comme l’a laissé entrevoir la folie Pokemon Go. Les collectivités locales se sont penchées sur le sujet, pour tenter de prendre la mesure voir d’endiguer les potentiels débordements de l’AR. La ville Milwaukee souhaite ainsi soumettre les éditeurs d’applications à un permis pour l’utilisation de l’AR dans les parcs et les lieux publics.
Autre message fort de cette fin d’année 2017, la Cour Européenne de Justice a statué sans possibilité d’appel sur le fait qu’Uber était une entreprise de service de transport et non de service de mise en relation. Cette décision crée un précédent permettant de considérer ces plateformes comme des producteurs du service en question et non des simples entremetteurs. Par extension, Airbnb doit être considérée comme une entreprise de services hôteliers, Youtube comme une entreprise de médias. Ces entreprises devront appliquer les contraintes légales du secteur, par exemple en ne faisant appel qu’à des chauffeurs disposant d’une licence dans le cas d’Uber.
L’Europe veut redonner le pouvoir aux utilisateurs
Au niveau européen le principal enjeu de 2018 est l’entrée en vigueur le 25 mai du Règlement Général sur la Protection des Données Personnelles (RGPD). A cette date, les entreprises qui collectent et analysent des données relatives à leurs consommateurs devront être en mesure de prouver qu’elles sont en conformité avec le respect de la vie privée : les utilisateurs devront être informés de l’usage de leurs données et devront donner leur accord explicite à la collecte de ces données. Ils pourront également exiger la restitution des données collectées pour les transférer ensuite à un tiers.
L’ensemble des entreprises mondiales proposant des biens ou des services à des consommateurs européens seront concernées dont Google, Facebook et les autres.
La force de ce règlement réside dans l’arsenal répressif mis à disposition des Cnil européennes. Les contrevenants au RGPD encourront des amendes pouvant atteindre 4% de leur Chiffre d’Affaire annuel mondial. Colossal pour des entreprises qui engrangent plusieurs dizaines de milliards par an. A titre d’exemple, en 2015 la Cnil a infligé à Facebook une amende de 150 000 € pour non respect de la Loi Informatique et Liberté. Un montant qui fait sourire au regard du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise qui dépasse les 40 Milliards d’Euros. Avec le RGPD cette amende pourrait atteindre 1,5 Milliard d’Euros, 10 000 fois plus. Nul doute que le sujet sera étudié avec le plus grand intérêt du côté de Menlo Park.
Internet ne sera plus jamais le même
La décision la plus impactante de cette fin d’année est la remise en cause d’un postulat considéré jusqu’ici comme inébranlable au point d’être communément appelé first amendment of the internet : la neutralité d’internet. Autrement dit, l’accès universel via internet à tous les services au même prix et à la même vitesse.
La Federal Communications Commission (FCC), agence américaine de régulation des télécommunications a instauré en 2015 des règles de neutralité du réseau interdisant aux Internet service providers (ISP) de discriminer les flux et d’accélérer, ralentir voire bloquer l’accès à tel ou tel type site. Ces règles permettent au consommateur de choisir seul les services qu’il veut utiliser sans être influencé par les ISP.
Devant le lobbying des ISP américains, la FCC a voté en décembre 2017 l’abrogation de ces règles. Si cette décision est confirmée, certains flux comme les services de vidéo en ligne pourraient être facturés à part aux consommateurs sous peine d’être drastiquement ralentis. Cette décision remet également en cause l’égalité des chances offerte par internet et la possibilité pour des start-up de concurrencer des acteurs existants transformant internet en un monopole naturel pour les principaux acteurs. Plus grave encore, internet deviendrait un actif géré par un ensemble restreint de grandes entreprises qui seraient potentiellement libres d’y faire la pluie ou le beau temps.
2018 semble donc partie pour être l’année de la régulation voire de la protection :
- Protection des individus contre l’utilisation non-autorisée de leurs données personnelles
- Protection de la communauté contre les risques entraînés par le numérique
- Protection des entreprises traditionnelles contre les plateformes internet
Mais 2018 sera également l’année de la plus importante remise en cause des fondements d’internet depuis sa création par des visionnaires comme Vint Cerf et Tim Berners-Lee. Lesquels visionnaires sont farouchement opposés à la décision de la FCC.