Dans le cadre de nos séries d’entretien avec des entrepreneurs j’ai eu l’opportunité de rencontrer Maxime Arrouard, co-fondateur de Cap Collectif (« Capco »). Retour sur nos échanges, riches d’enseignements.

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Maxime, peux-tu me parler des origines de Cap Collectif ?

Nous sommes trois associés chez Capco : Cyril, l’agence JoliCode et moi.

Tout vient de l’expérience de Cyril. Il a été attaché parlementaire pendant 2 ans, ce qui lui a permis de découvrir les « dessous de la démocratie » et de développer une connaissance approfondie du fonctionnement des organisations publiques. Il en ressort deux constats :

  • D’une part, le citoyen n’a pas particulièrement voix au chapitre dans la conception des lois rédigées bien souvent en huis clos.
  • D’autre part, il existe une défiance de plus en plus profonde et une véritable crise de confiance de la politique par les citoyens, dues entre autres à l’inefficacité de l’action publique.

Au sein de l’association Démocratie Ouverte (DO), il a donc lancé la plateforme Parlement & Citoyens en 2013, afin d’expérimenter une méthode de rédaction collaborative de la loi. C’est sur ce projet que j’ai rencontré Cyril quand j’ai rejoint DO par appétence politique.

À l’époque j’avais aussi l’envie de créer ma start-up ; ma vocation était de pouvoir apporter une action concrète, même modeste, sur le monde. J’avais travaillé dans des agences puis dans deux start-ups pendant 5 ans où j’ai rencontré les fondateurs de JoliCode, notre 3ème fondateur. Je suis venu avec mon idée auprès de JoliCode, mais finalement l’idée de Cyril était plus mature. Nous voilà donc à créer Cap Collectif en juillet 2014.

La démocratie participative n’avait pas la cote auprès des représentants politiques et elle était difficile à financer, mais nous avons quand même réussi à embarquer dans notre projet 6 parlementaires qui étaient en accord avec le constat que nous faisions et avaient de l’intérêt pour les sujets du numérique.  Le « proof of concept » (preuve de concept) de Parlement & Citoyens nous a permis de gagner en notoriété : beaucoup d’autres parlementaires, associations ont manifesté de l’intérêt pour notre produit ce qui nous a poussés à créer une structure afin de stabiliser notre prototype. De fait, Capco est né d’une expérimentation qui a fait ses preuves.

Concrètement, quel est le service proposé par Cap Collectif ?

On développe une plateforme de consultation en ligne en Saas, générique mais totalement paramétrable, pour coller au plus proche des besoins, et que nous améliorons et enrichissons de nouvelles fonctionnalités très régulièrement grâce aux retours d’expérience de nos clients.

Nos clients sont de tous horizons : des villes ou métropoles, des départements ou régions, des associations petites ou grandes, des ministères, des entreprises privées aussi, des fédérations de professionnels, des syndicats, des partis politiques, des cabinets de conseil… bref, comme tu peux le voir toutes les composantes de la société font appel à nous !

On a fait évoluer notre offre au vu des besoins de nos clients : les territoires, par exemple, ont besoin de plusieurs outils au-delà de la consultation en ligne : le budget participatif, l’appel à projets, le questionnaire, l’interpellation… On a leur donc conçu une « boîte à outil » de la consultation participative. Le septième outil tout récemment développé est le « Vote ». Notre objectif à terme est de créer un « App store » de la consultation participative.

Capco, ce n’est pas seulement un outil mais un prétexte pour intégrer progressivement une méthode dont les principales composantes sont : l’engagement, la forte implication d’un porteur de projet, le crowdsourcing et la restitution des arguments, la parole libre,…

La plus belle « success story » de Cap Collectif ?

Incontestablement, le projet « République Numérique » porté par Axelle Lemaire alors Secrétaire d’Etat chargée du Numérique. En quelques chiffres : 21 000 citoyens, 8 500 contributions, 150 000 votes. C’était un succès au vu de la mobilisation, pour un projet de loi généralement perçu comme difficilement appréhendable et compréhensible par les citoyens. Et c’était surtout la première consultation au monde d’une telle envergure où les internautes ont pu voter, argumenter, amender.

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Regard dans le rétroviseur : quel bilan fais-tu de l’aventure Cap Collectif ?

Cap Collectif, c’est maintenant 10 personnes, 3 co-fondateurs. Nous avons une équipe commerciale, une équipe conseil, une équipe produit et une équipe communication. Nous avons réussi à nous lancer sans levée de fonds, ce qui rend notre business model opérationnel, même s’il est récent. Capco n’est plus vraiment une start-up mais plutôt une PME.

Cap Collectif fait partie de  la civic tech, un mouvement international qui pousse les initiatives d’innovation démocratique depuis 2015. La French Tech révolutionne les secteurs un par un, la démocratie en fait désormais partie ! Parlement & Citoyens était l’un des premiers projets, maintenant il y en a des dizaines, car de nombreux entrepreneurs ont établi les mêmes constats.

Notre expérience fait la différence vis-à-vis de nos concurrents . En effet, nous avons réuni une équipe autour de trois profils complémentaires pour créer une bonne synergie : Cyril, l’expert métier (business developer et affaires publiques), JoliCode pour l’expertise technique et moi pour le savoir-faire produit.

Et si on regarde vers l’avenir, quelles sont les prochains grands enjeux pour Cap Collectif ?

Nous sommes en train de clore une levée de fond afin d’accélérer notre développement et de nous lancer à l’international.

Concernant l’avenir de Capco, nous voulons continuer à expérimenter et innover auprès de nos clients et garder la proximité que nous avons actuellement avec eux. C’est pour cela qu’on souhaite rester une structure à taille humaine et qu’on a décidé de constituer et former un réseau de partenaires spécifiques pour déployer notre produit auprès d’un plus grand panel d’organisations tandis que nous nous concentrerons principalement sur les entités publiques et gouvernementales où l’enjeu est majeur.

Quelle est ta conviction sur la révolution numérique dans la démocratie ?

La consultation c’est un acte pédagogique, nous ne sommes pas tous d’accord entre nous, c’est normal, mais ce qui prime dans la démocratie c’est la tolérance pour les idées de chacun, et par cette démarche nous montrons aux élus que nous avons aussi besoin d’un arbitre ; c’est un changement de paradigme de gouvernance. En effet, le monde est devenu complexe, les citoyens ont accès à un grand nombre d’informations, ont des attentes de plus en plus élevées et se soucient de la politique bien plus qu’on ne le croit… ils ont juste perdu confiance. La consultation est donc l’un des nouveaux outils pour prendre de meilleures décisions ; c’est ce qui se passe actuellement dans les entreprises aussi où les anciennes méthodes d’organisation et de gouvernance ne fonctionnent plus car les salariés souhaitent plus de liberté, plus de place aux initiatives, plus de coopération, plus de transparence dans le management…

Mais nous n’avons pas la prétention de résoudre tous les problèmes avec notre outil ; le numérique n’est que la partie émergée de l’iceberg. La véritable révolution est dans l’aspect humain qu’apporte cette nouvelle démarche, les débats et ateliers qui sont le relais de la consultation pour centraliser et synthétiser les idées et arguments proposés sur la plateforme, les réflexions communes… Le numérique a le pouvoir d’étendre l’inclusion : tout le monde peut participer sans avoir à se déplacer, même les personnes les plus timides !

 

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Quel message voudrais-tu transmettre à de futurs entrepreneurs ?

L’important c’est de s’associer aux bonnes personnes et pas seulement pour les compétences, le « feeling » compte pour beaucoup. Ensuite, il ne faut surtout pas laisser de sous-entendus ou choses implicites sur les attentes et enjeux de chacun : l’implication de chacun doit être équivalente pour ne pas créer de tensions.

Selon moi, il faut aussi casser le mythe de l’entrepreneuriat : ce sont beaucoup d’heures de travail, d’énormes responsabilités et… on ne fait pas « tout ce qu’on veut quand on est entrepreneur » comme j’ai eu l’occasion de l’entendre dire !

equipe cap co

        maxime cap co elysee

A titre personnel, comment vois-tu ton avenir d’entrepreneur ?

J’ai envie de faire en sorte que Cap Collectif soit une entreprise « qui roule » et aider d’autres entrepreneurs à réussir… et qui sait peut-être un jour mettre en œuvre ma première idée ! Ce qui est sûr : je souhaite résoudre des problèmes qui ont le plus d’impact possible dans le monde aussi modeste soient-ils… en tout cas, je vais essayer [NDLR : c’est une noble cause !]

Je suis convaincu que manifester ou militer créé plus de résistance que de résultat, même si cela a fonctionné par le passé. Ma philosophie et celle que nous partageons chez Capco : montrer le bon exemple pour donner envie aux gens d’agir, de trouver des solutions qui fonctionnent au lieu de dénoncer sans proposer d’alternative. La bonne attitude sociale c’est ce bouillonnement citoyen des gens ordinaires prennent les sujets à bras le corps et poussent tout le monde vers le haut.

 

Merci à Maxime Arrouard pour le temps qu’il a consacré à cette interview. N’hésitez pas à vous rendre sur le site de Cap Collectif pour en savoir plus, de vous abonner à leur newsletter et à leurs comptes Twitter ou Facebook pour suivre leur actualité.