Quand nous avons la chance d’être parents, nous sommes aussi excités qu’inquiets après cette rentrée scolaire. Et comme, nous avons la chance d’accompagner un établissement scolaire dans sa transformation digitale, nous avions envie de contribuer à cet important débat de la transformation de l’éducation.
Rentrée des classes : le digital à l’école ?
Ce qui frappe d’abord un parent d’élève, c’est le sentiment que rien n’a vraiment changé
On retrouve dans la plupart des établissements certains standards qui semblent éternels : l’estrade pour le professeur devant le tableau noir (certaines classes ont quand même évolué depuis 20 ans avec des tableaux blancs), la craie bien sûr, et les tables et chaises. Parfois deux places, parfois une place. On se sent un peu chez soi et les souvenirs reviennent. « Et en même temps », quand on se demande ce qui a changé, on regarde le plafond et on voit un vidéo-projecteur qui a remplacé l’armoire avec la télévision cathodique et le lecteur VHS. Dans certains (rares) cas, la classe est même équipée d’un écran interactif.
Le digital, c’est d’abord l’équipement
Souvent, les chantres de la révolution numérique se concentrent sur les bouleversements du haut de la chaîne numérique, pour les bâtiments neufs livrés à la Défense. Ces bâtiments raccordés à de puissants réseaux, avec un niveau élevé d’équipement informatique. La configuration des écoles n’est pas la même : plus petits et souvent dans des locaux historiques, devenus trop petits au fil du temps, les établissements scolaires ont fait preuve parfois d’une immense créativité, ces dernières années, pour installer des salles serveurs (pas toujours ventilées et parfois dans un local partagé avec des manuels scolaires), voire de la fibre et du wifi.
La transformation digitale, c’est d’abord un bon niveau d’équipement et de réseau. Quand l’eau n’arrive pas là où vous vivez, cela ne sert à rien de penser que l’on va apprendre à nager !
De la même façon, sans un bon débit vers internet, pourquoi aller sur le Cloud ou penser faire communiquer les élèves avec les professeurs hors les murs ?
Connecter l’école et faire évoluer la pédagogie
Une fois l’école raccordée à internet de façon robuste, elle peut vraiment évoluer. En mai dernier, l’éducation nationale publiait une méthode pour faciliter les projets de Byod (Bring Your Own Device, qui est une politique d’institution qui permet d’utiliser ses équipements – téléphone, ordinateur, tablette – pour travailler avec sur son lieu de travail). Car une fois l’infrastructure de communication modernisée, le professeur, l’élève et le corps administratif de l’établissement peuvent se sentir aussi à l’aise sur leur lieu de travail que chez eux. Cela devient aussi facile de communiquer son cours par internet, que de commander en ligne depuis son canapé (bien sûr, le banquier ne va pas vous appeler en cas de cours en trop !).
On a tous tendance à utiliser un nouvel outil pour faire, avec le nouvel outil, la même chose : le professeur utilise alors des classes virtuelles, avec ses polycopiés scannés accessibles aux élèves. La classe continue à être organisée en séance, selon un programme – celui défini de façon centrale par l’Education nationale – avec des leçons, des devoirs et des notes. C’est déjà très bien ! En faisant cela, le professeur peut déjà donner accès aux connaissances en avance de la séance (il ouvre les leçons suivantes) ainsi qu’aux révisions des leçons précédentes. Les parents sont prévenus plus tôt en cas d’écart (et de mauvaises notes !) avec des outils sur internet. Le cahier de texte peut être aussi mis en ligne, ce qui évite de consacrer les 10 dernières minutes du cours à dicter au 30 ou 40 élèves des consignes.
Des nouveaux acteurs de l’éducation
Certaines initiatives vont encore plus loin. Pour en citer une dorénavant mondialement connue, la Khan academy est un instrument pédagogique dès les premiers pas dans l’apprentissage du calcul. Elle fonctionne en Fondation et est indépendante des programmes nationaux, même si sa déclinaison française présente les choses selon les niveaux français (CP, CE1 etc.). Toutefois, en France, encore trop peu de parents et aussi de professeurs connaissent et utilisent les ressources de ce beau projet.
Des start-up françaises (Kartable, Schoolmouv par exemple) ont développé de « l’accompagnement à coté ». Elles proposent aux élèves -dont les parents s’abonnent – des tutoriels, vidéos et cours pour réviser les leçons. Ces précieux projets proposent leurs services pour le collège et le lycée. Cela donne le sentiment de voir une ligne invisible d’accès au numérique en France : pas avant la 6ème !
Le professeur reste au centre de l’éducation, même avec le numérique
Une belle expérience est venue d’une professeure, au départ loin du numérique (et convaincue par elle-même que ce n’était pas pour elle) : après avoir mis en place quand même une classe virtuelle, cette dernière donne des devoirs 10 jours plus tard à ses élèves. La professeure apprécie la coté facile : en quelques clics les élèves sont informés des consignes et elle n’a plus besoin d’imprimer les énoncés. Et là, un premier élève (par ordre chronologique de réponse) lui envoie son devoir 8 jours avant l’échéance. La professeure corrige et lui renvoie donc la copie avec les améliorations. L’élève relit l’énoncé, les corrections et refait le devoir pour le soumettre de nouveau à la professeure ! Cette deuxième version est bien sûr bien meilleure et la note s’améliore. La consigne n’indiquait pas que l’élève devait remettre une version unique de son devoir. Bien sûr, l’élève, fier d’avoir amélioré sa note, le raconte à ses camarades qui à leur tour envoient leurs devoirs en avance pour bénéficier du « deuxième tour ». La professeure voit alors un dialogue différent s’installer avec les élèves : elle continue à les noter, certes, mais cette notation est devenue pour ses élèves une marque incitative de progrès sur un temps court.
Pour aller plus loin avec le digital ?
Cette histoire parait simple, mais transforme le travail de l’enseignant. Au-delà de la mise en place d’outils numériques, le professeur accepte plus de corrections pour un même devoir. Il en tire la joie de voir la classe progresser dans sa compréhension. Ce qui est une fierté professionnelle légitime !
Une évolution supplémentaire pourrait être inspirée par l’enseignement supérieur (et par des expérimentations mises en place dans d’autres pays) avec la notation entre pairs (peer grading utilisé pour les Mooc) : le professeur distribue un premier niveau de commentaire entre les élèves ; chaque élève devrait alors commenter des copies des autres élèves. Double transformation : pour le professeur, remettre en cause son autorité de notation ; pour l’élève, accepter les commentaires de ses camarades et prendre le temps de regarder et d’évaluer, voire de conseiller, les mêmes camarades.
Bien que nous ne sachions pas en quoi le monde de demain sera fait, n’importe quel parent sera heureux que ses enfants aient appris à travailler en équipe. Le sport aide. Les études supérieures y incitent. Les organisations (publiques ou privées) le vivent ! Mais tout cela est soit à coté, soit après l’école. Si des démarches pédagogiques accompagnent plus tôt les enfants dans la coopération, c’est autant de gagné pour la suite.
Les professeurs sont les piliers de ces changements. Vos réactions et vos témoignages sont les bienvenus.
Merci pour cet article intéressant.
Je constate dans l’école de mes enfants (maternelle et primaire) que des applications commencent parfois à être utilisées pour faciliter la communication entre les enseignants et les parents.
On sort ici du sujet évoqué dans votre article, mais il me semble que l’école d’aujourd’hui donne encore ce sentiment d’être extrêmement fermée sur l’extérieur, et ces applications (ClassDojo / Toutemonannee…) permettent de faire tomber cette barrière inutile. L’école et la maison ne sont pas 2 mondes à rendre étanches. Ils sont complémentaires.
Quel plaisir de pouvoir ré-évoquer le soir avec votre enfant de maternelle ce qui a été fait à l’école pendant la journée.
Au sujet de cette expérience, je n’ai que le regret que l’école n’ait pas encore su homogénéiser les applications utilisées d’une classe et imposer que cela se fasse pour toutes les classes. Mais c’est probablement parce que ce n’est qu’un début…
Pour revenir sur le contenu de votre article, effectivement la technologie doit pouvoir permettre d’aller vers de nouvelles méthodes de transmission du savoir (en travail d’équipes / par itérations…pour reprendre vos exemples), et il me semble que l’Education Nationale aurait bien besoin de se faire un nouveau visage.