Le « plan numérique à l’école » de 2015  prévoyait 1 milliard sur 3 ans. L’objectif était d’équiper des écoles et collèges, former les équipes et développer des ressources pédagogiques accessibles. Et une nouvelle mouture est arrivée en 2023. J’ai souhaité examiner l’impact de l’initiative sur la valeur ajoutée des établissements. Je m’appuie sur une analyse de données disponibles en open data pour mesurer l’impact sur la valeur ajoutée des collèges du plan numérique.

Collèges numériques : quelle valeur ajoutée ?

Rétrospective : le plan numérique à l’école

Cette section est tirée de l’article de Loïc Leprat du 27 juillet 2019.

En 2015, le gouvernement Hollande s’engageait à travers son plan numérique. A la clé, à un investissement d’1 milliard € sur 3 ans (2015-2017) pour l’insertion numérique des élèves de primaire, collège et lycée. La digitalisation devait être vecteur de réduction des inégalités sociales.

Objectif : utiliser au mieux les outils du numérique pour enrichir et améliorer la performance de l’enseignement, réduire les inégalités sociales en inculquant une connaissance des outils du numérique et en offrant un accès à la connaissance via ces outils (internet, LMS), équiper 100% des élèves et professeurs de tablettes ou de PC dans les collèges et écoles concernés par le plan numérique (2766 en tout), etc

Le 9 juillet 2019, la Cour des comptes diffusait sur la plateforme data.gouv.fr des informations toutes « fraîches » concernant les investissements dans le numérique pour nos établissements scolaires. Résultats : les investissements réalisés n’étaient pas au niveau du budget prévu.

Au-delà des dépenses, la valeur ajoutée

Depuis quelques années, le ministère calcule pour les établissements scolaires un indice de valeur ajoutée. Pour les collèges par exemple :

  • Valeur ajoutée sur le taux de réussite au brevet
  • Valeur ajoutée sur la note au brevet

Ces indices mesurent l’écart entre les résultats réels des élèves de l’établissement et les résultats attendus. Il tient compte des caractéristiques scolaires et sociodémographiques des élèves. Le calcul s’appuie sur :

  • Les caractéristiques des élèves: âge, origine sociale, sexe, niveau scolaire à l’entrée
  • La structure des établissements : part d’élèves en retard scolaire, part d’élèves issus de chaque PCS, part de filles/garçons, niveau scolaire moyen à l’entrée, offre de formation

On peut donc s’interroger sur l’impact du plan numérique à l’école sur ces valeurs ajoutées.  Des donnés sont disponibles en open data sur la plateforme du ministère : https://data.education.gouv.fr/pages/accueil/

Public vs Privé sous contrat : le grand écart

Les chiffres recueillis révèlent que 50% des collèges publics en France sont concernés par le plan. Seulement 20% des collèges privés sous contrat le sont. Je n’ai pas la réponse, mais je suis curieux d’avoir l’information.

Une inégalité selon les territoires

Le circuit de financement du volet équipements est décrit dans un rapport de la cour des comptes (p32).

Financement numérique pour l'éducation volet "équipement"

Financement numérique pour l’éducation volet « équipement »

Il m’a semblé pertinent de regarder à la maille du bas du diagramme : le département.

Dans la plupart des départements, le plan ne semble pas générer de VA supplémentaire

J’ai réalisé une « étude de contrôle » à la maille du département, en distinguant bien public et privé sous contrat. Elle révèle que dans la plupart des cas, il n’y a pas d’impact entre le fait qu’un collège soit labellisé « collège numérique » et une variation des valeurs ajoutées sur le taux de réussite ou les notes des élèves au brevet. Le seuil de confiance a été fixé à 80%.

Impact significatif à 80% pour les établissements publics ? "Oui" en bleu clair

Impact significatif à 80% pour les établissements publics ? « Oui » en bleu clair

En d’autres termes, la simple présence d’infrastructures ou d’outils numériques ne garantit pas automatiquement une amélioration des performances académiques supérieure à ce qui peut se faire avec moins de moyens consacrés au numérique. Cela souligne l’importance de développer une approche holistique de l’intégration du numérique dans l’éducation, en mettant l’accent sur la manière dont ces outils sont utilisés et intégrés dans les pratiques pédagogiques.

Notons quand même qu’il y a quelques bons élèves dont on peut s’inspirer, qui font 4 à 7 points de % de réussite supplémentaire dans les collèges numériques, et 0.3 à 1 point supplémentaire pour les élèves au brevet :

  1. Ardeche
  2. Haute-Loire
  3. Loiret
  4. Tarn
  5. Corse-du-Sud

Il y a aussi les mauvais élèves, qui ont réussi l’exploit inverse :

  1. Ardennes (-5 %, -0.5 à la note)
  2. Haute-Savoie (-6 %, -0.5 à la note)
  3. Var (-2 %, -0.3 à la note)

Comment transformer l’essai ?

Pour que les investissements dans le numérique se traduisent par une augmentation significative de la valeur ajoutée des établissements, on ne peut pas se contenter de jeter de l’argent et des ipads entre les mains des jeunes. Voici quelques pistes de réflexion pour améliorer la valeur ajoutée des collèges numériques :

  1. Commencer par construire une infrastructure solide :
    • Une infrastructure réseau robuste, des équipements matériels adéquats et une connectivité fiable sont indispensables.. Ils permettent une utilisation fluide et efficace des outils numériques dans l’ensemble de l’établissement. Cela passe par une connexion internet robuste et peu onéreuse, et une architecture réseau fondée sur la redondance de matériel bon marché, avec une latence faible et accessible à tous. La téléphonie peut également y passer, ainsi que les systèmes de projection, les contrôles d’accès, l’impression etc.
  2. Communiquer et sensibiliser les équipes :
    • Il ne suffit pas d’acheter du matériel. Encore faut-il informer et sensibiliser les équipes éducatives sur leur disponibilité et les usages possibles. Une communication claire et régulière doit être établie pour maximiser l’adoption et l’utilisation de ces ressources dans les pratiques pédagogiques, et éviter que les équipes ne continuent à perdre du temps avec l’ancien matériel ou les anciens usages.
  3. Former en permanence :
    • Il est primordial de former les équipes éducatives aux compétences numériques et de les accompagner dans l’appropriation de ces outils. Des programmes de formation adaptés doivent être mis en place pour soutenir les enseignants dans l’intégration des technologies numériques dans leurs cours.
  4. Innover et développer de nouveaux usages :
    • Encourager le développement de nouveaux usages pédagogiques du numérique est essentiel. Des ateliers d’innovation, des collaborations entre enseignants et experts du domaine peuvent favoriser l’émergence de pratiques innovantes et efficaces, adaptées aux besoins des élèves.

Conclusion

L’analyse de données disponibles en open data a permis d’explorer l’impact des initiatives numériques des collèges sur leur valeur ajoutée. Il est essentiel de noter que la présence d’infrastructures numériques ne garantit pas automatiquement une amélioration des performances académiques. Cependant, en prenant en compte des éléments tels qu’une infrastructure solide, une communication efficace, une formation continue et la promotion de l’innovation, les établissements peuvent maximiser la valeur ajoutée de leurs investissements dans le numérique. En suivant ces pistes de réflexion, l’éducation nationale française peut espérer une intégration plus réussie du numérique et une amélioration de l’apprentissage pour tous les élèves, quels que soient leurs contextes socio-économiques et leurs établissements scolaires. Nous en donnons des exemples régulièrement sur TICE & Numérique à l’Ecole.