Uber, AirBnB, Tesla…il y a 10 ans ces noms n’existaient pas, aujourd’hui ils font partie de notre quotidien. Ce sont des entreprises numériques. Elles sont les symboles d’une transition fondamentale de l’économie, à laquelle certains essaient vainement de s’opposer. Comment se caractérise cette transformation ? Comment distingue-t-on une entreprise numérique ? Au sein de ces entreprises, comment les fonctions classiques se réinventent-elles ? Nous nous intéresserons en particulier au marketing. 
Après une première saison consacrée à la disruption des différents secteurs d’activité et une deuxième à la disruption des politiques publiques, l’équipe de The Family, investisseur dans les startups, revient sur le devant de la scène avec une saison consacrée aux impacts de la révolution numérique sur les grandes fonctions de l’entreprise. ISlean consulting a eu la chance de participer à cette première de la saison, consacrée au marketing et présentée par Nicolas Colin et Côme Courteault.

La transition numérique

Si The Family organise ces conférences, c’est que le monde est entré en transition, une transition lente mais inéluctable. Enfant de la bulle internet, cette transition nous fait passer de l’économie de masse à l’économie numérique. Comment ces deux économies se distinguent-elles ?
ndlr : on retrouve les thèmes chers à Nicolas Colin (notamment dans son livre l’âge de la multitude, co-signé avec Henri Verdier, actuel DINSIC).
  • Son énergie : dans l’économie de masse, c’était le pétrole (peu cher). Dans l’économie numérique c’est la multitude, autrement dit vous et moi.
  • Les entreprises et la valeur : dans l’économie de masse ce sont les gigantesques usines Ford qui produisent des modèles T « de la couleur que vous souhaitez, tant que c’est du noir ». Dans l’économie numérique, et ce même secteur automobile par exemple, la valeur n’est plus dans les produits en eux-mêmes mais dans le contact avec l’utilisateur donc l’application. Uber en est l’exemple phare, licorne du net qui ne possède aucun parc automobile.
  • Ses individus leaders : dans l’économie de masse, Bernard Arnault est le symbole de la transformation de la filière artisanale du luxe en filière de masse (industrielle). Dans l’économie numérique c’est Elon Musk, emblématique patron de Tesla, qui révolutionne seul un pan entier de l’économie grâce au numérique.
Dans l’économie numérique actuelle coexistent donc plusieurs types d’entreprises dont les vieilles entreprises issues de l’économie de masse et les start-up de l’économie numérique. Mais à quoi reconnait-on une entreprise « numérique » ? Les équipes de The Family ont identifié trois grands caractéristiques :
  • Une expérience utilisateur exceptionnelle
  • Un suivi régulier et systématique de l’activité
  • Des rendements croissants liés aux économies d’échelle et à l’amélioration de la connaissance clients grâce aux données

Le déclin du marketing de masse

Venons-en au marketing. Dans l’économie de masse il se caractérise par 4 grandes habitudes :
  • Acquisition : les clients achètent une marque, se rendent à un emplacement et sont happés par des campagnes publicitaires d’envergure
  • (absence de) Mesure : la performance des différents canaux marketing est peu ou pas mesurée
  • Intermédiation : les clients ne sont pas en relation directe avec les producteurs, car la publicité fait écran
  • Vocabulaire : ce mode de fonctionnement s’est fossilisé dans un vocabulaire du marketing de masse telles les notions de marque, audience, support, espaces…
Ces habitudes ont rendu les entreprises insensibles à leurs clients. D’ailleurs, on observe déjà plusieurs ruptures :
  • Les clients s’affranchissent de la publicité : les clients consultent la multitude plutôt que de se fier aux campagnes de publicité
  • De nouveaux entrants attaquent tous les marchés : il y a toujours un entrepreneur pour proposer mieux pour moins cher
  • Les entrepreneurs se multiplient : le travail salarié diminue, les individus sont en quête de sens dans leur métier et sont prêts à aller challenger les modèles établis

Le growth hacking ou le marketing à l’ère numérique

A ce stade de la conférence, quand nous commençons à percevoir ce que sont l’économie et les entreprises numériques, Côme Courteault, Head of Growth à The Family vient nous parler du growth hacking.

Qu’est-ce que le growth hacking ?

Le growth hacking n’a qu’un seul objectif : aller chercher de la croissance (du CA ou du nombre de clients), par n’importe quel moyen. Il combine des compétences marketing avec celles des développeurs informatiques. Le growth hacking emploie des méthodes créatives et l’analyse des données collectées pour aller chercher de la croissance.
Un exemple célèbre de growth hacking est celui d’Hotmail : constatant qu’un grand nombre de nouvelles inscriptions à Hotmail venaient de recommandations des utilisateurs actuels, les fondateurs ont imposé un message à la fin de chaque email envoyé par Hotmail « PS : I love you. Get your free email at Hotmail ». Ce simple message imposé aux utilisateurs a fait décoller la croissance.
Growth Hacking_example of Hotmail story
Les startups peuvent se permettre des méthodes d’attraction des clients bien plus agressives que les entreprises établies, envers lesquelles les clients sont beaucoup plus sévères.
Le growth hacker s’appuie sur le cycle de vie d’un client, en entonnoir, modélisé par Dave McClure :
  1. Acquisition : les prospects se rendent sur le site ou l’application par différents canaux
  2. Activation : les prospects apprécient leur visite sur le site / l’application et l’expérience utilisateur proposée
  3. Rétention : les prospects reviennent et apprécient à chaque fois leur visite sur le site / l’application
  4. Monétisation : les prospects permettent à la startup de gagner de l’argent
  5. Recommandation : les prospects et clients apprécient suffisamment les produits ou services pour en parler à leur entourage
Le growth hacker analyse systématiquement les données collectées lors des visites et parle aux prospects et clients en fonction de leurs besoins et attentes, différents en fonction de leur position dans l’entonnoir.

Qui sont les growth hackers ?

Le growth hacker n’a pas de profil type, il n’y a pas d’école de growth hacking, mais il a quelques particularités bien établies :
  • Il est curieux et créatif : les techniques et outils de growth hacking évoluent tous les jours
  • Il est « data driven » : le comportement des prospects et clients est scruté à la maille de la semaine, des expérimentations sont menées en permanence
  • Il raisonne à court terme : pas de plan marketing stratégique mais un enchaînement d’expériences et de comparaisons (A/B testing) pour maximiser la croissance

L’impulsion doit venir d’en haut

Introduire du growth hacking dans les méthodes marketing classiques est un changement culturel radical qui doit être impulsé par le CEO pour être accepté par le corps social de l’entreprise.
ndlr : bien sûr, c’est la vision de l’entreprise pyramidale, dans laquelle tout vient du haut. Dans une start-up, cela vient avant tout des fondateurs (qui n’ont pas vraiment le choix !), et dans une entreprise libérée, cela peut aussi venir des équipes !
Ecrit avec Laurène Guillot, consultante ISlean