Le 19 février 2020, la Commission européenne dévoilait la stratégie européenne pour les données dans un contexte où les volumes de données générées par les entreprises et les organismes publics sont en constante augmentation.

Afin de poser des bases solides pour pouvoir exploiter pleinement les prochaines vagues de données industrielles, la Commission européenne souhaite établir un espace européen des données. Cette mesure vise à autoriser la libre circulation des données au sein de l’Union et entre secteurs à travers un marché unique. L’initiative ne se limite pas seulement au secteur privé, mais également au secteur public et à l’attention des particuliers. L’Europe souhaite ainsi s’émanciper en fixant ses propres normes et en renforçant sa souveraineté numérique. 

Pour mettre cet espace européen en action, il faut d’abord en établir les règles. Ça sera le sujet de cet article qui tentera de vous présenter dans les grandes lignes, le “Data Act” communiqué le 23 février 2022 par la Commission européenne.

 

Le contexte de cette mesure

Un volume croissant de données

Avant tout, il est nécessaire de préciser le contexte dans lequel s’inscrit la stratégie européenne pour les données et donc le Data Act.

Comme le montre cette étude menée par Statista, le volume de données devrait atteindre les 97 zettaoctets (1 zettaoctet = 1e+12 gigaoctets) en 2022 et presque doubler d’ici 2025 en passant à 181 zettaoctets. Nous ne sommes pas très loin des 175 zettaoctets annoncés par l’Union européenne. Selon une autre étude Statista publiée en 2020, la part des données provenant des objets connectés devrait atteindre les 79 zettaoctets en 2025 soit presque 44% du volume total de données générées. En comparaison, en 2019, la part des données provenant des objets connectés tels que des voitures, des appareils ménagers ou des robots de l’industrie manufacturière ne représente que 31% du volume total. (13 zettaoctets). Cette tendance représente un défi pour les entreprises de proposer des outils à l’usage des producteurs de données afin de renforcer leur contrôle sur leurs propres données. 

Une place croissante de ces données dans la société

Ce surplus de données peut nous permettre de mieux comprendre et de maîtriser notre environnement. D’une consommation d’énergie plus maîtrisée à la traçabilité des matériaux et des aliments, les gains seront nombreux pour notre mode de vie et notre santé. L’explosion des objets connectés place la donnée au centre des nouveaux produits et services. La donnée est la base d’industries à forte valeur ajoutée comme l’intelligence artificielle. Dans l’industrie manufacturière par exemple, les jumeaux numériques (réplique virtuelle d’un produit) permettent d’accroître la productivité grâce à la maintenance prédictive tout ça sur la base d’analyse de données.

 

En quoi consiste ce Data Act ?

De manière générale, le “Data Act” européen souhaite poser un cadre juridique à la mise à disposition d’un volume massif de données non personnelles (sans information qui permette d’identifier un individu) au sein de l’Union européenne. Cette mesure s’appuie sur deux grands axes, de nouveaux services et le principe d’interopérabilité des services cloud. 

Nouveau services autour de la donnée :

L’initiative vise à donner aux utilisateurs d’objets connectés le droit d’accéder à leurs données et de les transmettre à des prestataires de services notamment des services après vente. Ce nouvel échange de données doit par exemple donner lieu à l’émergence de nouveaux services de réparation ou de maintenance.

Un meilleur partage des informations doit également contribuer à l’optimisation des chaînes d’approvisionnement et des procédés de fabrication de nombreuses industries. Des clauses sont prévues pour protéger les protocoles confidentiels et les secrets d’affaires.

Le Data Act vise aussi à protéger les PME en prévenant les déséquilibres contractuels excessifs imposés par des acteurs beaucoup plus puissants. Si des clauses contractuelles sont reconnues comme « injustes », alors elles ne seront plus contraignantes pour les entreprises moyennes. La Commission européenne élaborera des clauses contractuelles types afin d’aider ces entreprises à rédiger et à négocier des contrats de partage équitable des données.

Le Data Act cadre également l’accès à la donnée des autorités publiques en garantissant un accès gratuit à des données d’intérêt général dans des circonstances exceptionnelles. L’idée est de donner la possibilité aux autorités de réagir rapidement par exemple dans le cadre d’inondation sans compromettre la sécurité des données privées. 

Le cloud switching

Sur le principe d’interopérabilité, le texte veut réduire le coût associé au changement de fournisseur de services cloud en imposant la portabilité des données. Ainsi, il est prévu que les contrats devront permettre le passage à un autre service dans un délai de 30 jours, avec une assistance complète et la continuité du service pendant la transition. Après trois ans, le « service de sortie » devra être fourni gratuitement. 

 

Il est donc critique pour l’Union européenne de fixer un cadre sur l’utilisation de ces données dans le but de booster la croissance de ses entreprises et gagner en compétitivité. Elle pourra ainsi se dissocier des modèles actuels dominés par les États Unis et la Chine. Ces deux concurrents diffusent déjà leurs concepts d’accès aux données et d’utilisation aux données. Les États Unis laissent l’organisation de l’espace de données au secteur privé alors que la Chine opère un contrôle soutenu sur les entreprises de hautes technologies comme nous avons pu le voir dans un précédent article sur les BATX. Il appartient à l’Europe de trouver son modèle et donc sa place.