Si malgré mes articles précédents sur le sujet, un grain de folie vous pousse à risquer le tout pour le tout et vous lancer dans le grain bain de la dématérialisation, sachez qu’il y a un grand nombre de façons de planter son projet de dématérialisation dans une administration publique, et que la voie de la réussite est beaucoup plus étroite.

En voiture, Simone…

Comment éviter de planter votre projet de dématérialisation ? Première partie : les fondamentaux

Vous avez lu mes précédents articles ? Vous avez donc intégré que vous vous attaquez à une montagne de la culture administrative française ? Vous avez donc compris que vous alliez rencontrer des difficultés dont vous ne soupçonniez même pas l’existence ? Vous voulez toujours y aller ?

Ça y est, c’est donc confirmé : vous êtes fou ou à tout le moins d’une témérité qui le dispute à l’inconscience.

Les promesses n’engagent que ceux qui les croient

Vous allez donc devoir appliquer les conseils suivants et surtout, surtout… vous enfuir en courant si votre chef ou le chef de votre chef ou le grand chef à plumes tout en haut tente de vous expliquer d’une belle voix pateline des carabistouilles du genre :

  • « ne vous inquiétez pas… ici il n’y a pas besoin de faire tout ça ou d’avoir ces pré-requis… ça va très bien se passer »,
  • « Chez nous tout le monde est le doigt sur la couture du pantalon, respecte les procédures et fait ce que le chef dit »,
  • « Le secrétaire général est absolument convaincu et c’est un projet majeur pour lui, mais il est très occupé donc il ne pourra pas assister à la réunion de lancement ; de toute façon tous les membres de son cabinet montrent l’exemple »,
  • « Signez cette lettre de mission en bas à droite, ce projet de dématérialisation va être le propulseur de votre carrière dans l’administration, je m’en porte garant ».

Voici donc quelques recommandations à suivre à la lettre. Cela signifie que si vous vous en écartez, cela ne peut être que temporaire ou pour de très bonnes raisons.

Un sponsor sinon rien

Un sponsor en cas de gros temps

D’abord vous devez avoir un sponsor pour votre projet. C’est quoi un sponsor ? c’est quelqu’un qui veut que le projet réussisse et qui fera tout pour vous aider dans les moments difficiles. Ne demandez pas au sponsor de piloter le projet, ça c’est le rôle du directeur de projet ou du chef de projet. Cependant, il faut que le sponsor puisse aider le projet dans les coups durs. Dans le cas d’un projet de dématérialisation votre sponsor doit être un indigné sincère au sens « Pezziardiesque » du terme. C’est rare mais ça arrive d’avoir un vrai sponsor pendant toute la durée du projet. Le sponsor est nécessairement très haut placé dans l’administration ou son pouvoir d’influence est très important. Sinon ce n’est pas un sponsor. Ça peut encore passer dans les cas suivants :

  • Vous avez eu un sponsor pendant une grosse partie du projet, les phases d’études, de réalisation et de tests sont terminées et bien terminées, le déploiement généralisé a débuté ou est sur le point de débuter. Là, ça peut peut-être passer mais ne vous leurrez pas ; ça va quand même vous faire tout drôle de ne plus avoir de sponsor (ou plus de vrai sponsor indigné sincère)
  • Vous n’avez pas encore de sponsor, mais de toutes façons, il faut d’abord cadrer le projet. Certes cela peut-être un des objectifs du cadrage que de trouver / identifier un sponsor indigné sincère. En revanche lorsque le cadrage est terminé, que l’administration a décidé d’investir et que toutes les parties prenantes semblent a peu près alignées… là il vous faut un sponsor, car les vraies difficultés vont commencer.

Des clients, des durs, des vrais, des tatoués

Des clients kinenveulent

Ensuite vous devez avoir des clients pour votre projet de dématérialisation. Cela parait être une évidence, mais j’ai déjà vu plusieurs fois des projets qui se lançaient avec des clients soi-disant intéressés, qui avaient soit-disant pleuré et remué ciel et terre pour que le projet se lance, et ne pas voir ces mêmes « clients » venir à la réunion de lancement parce qu’il y avait un cocktail (avec les petits fours qui vont bien) avec le ministre au même moment. Et encore là au moins c’est clair, on sait déjà que le projet n’est pas une priorité et on ne perdra même pas de temps avec eux pour se concentrer sur d’autres clients. (oui c’est une bonne pratique : ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier ; ayez plusieurs entités / directions clientes pour votre projet).

Mais vous pouvez aussi rencontrer le syndrome du représentant. Vous n’avez pas de client, mais un représentant du client… un gars ou une fille solide qui connait toutes les arcanes de l’organisation sur le sujet et qui pourra représenter la direction de votre client… en clair le premier clampin croisé dans le couloir et qui a eu le malheur de croiser le regard du directeur ce jour là. Je force le trait mais je vous assure que parfois, on n’en est pas loin. Là, ça peut-être plus long avant de se rendre compte que le représentant n’en est pas vraiment un. Je vous rassure quand même, la pratique montre qu’on s’en rend compte assez vite (entre 1h et 15 jours max.).

Je passe sous silence le coup classique du vrai client (moteur, intéressé…) mais qui part à la retraite 3 mois après le début du projet, parce que sa direction a mis 2 ans à décider qu’il avait peut-être de bonnes idées.

Un budget à la hauteur de la conduite du changement que représente le projet

Un projet de dématérialisation est avant tout un projet de conduite du changement. Si vous ne l’avez pas compris relisez les articles précédents (article 1, article 2) sur la dématérialisation dans les administrations publiques. Cette nécessaire conduite du changement impacte considérablement le projet, de son cadrage jusqu’à son déploiement en passant par la gouvernance et le pilotage du projet. Pour toutes ces activités, les utilisateurs devront être impliqués, des opérateurs de terrain aux directeurs généraux en passant par les clients maîtres d’ouvrage et le sponsor. Toute cette mécanique et toute la préparation des travaux avec tous ces acteurs ont un coût.

Malgré tout, pour certains, la conduite du changement n’est pas un problème, tout va bien se passer, on fait quelques formations standards, et hop c’est bon, on n’en parle plus. Mon conseil : dans ce cas recommandez à votre client de ne surtout pas dépenser d’argent. Qu’ils achètent juste les licences (éventuelles) et les équipes informatiques internes s’occuperont d’installer tel et tel produit sur des serveurs. Ça ne servira à rien d’autre que faire plaisir  la Direction des Systèmes d’Information et n’aura aucun impact métier mais au moins ça n’aura pas coûté grand chose. Et puis l’éditeur pourra rajouter une nouvelle référence à sa présentation commerciale.