Nous associons communément la notion de dématérialisation au monde digital. Est-ce pour nous rassurer ? Peut-être, car en réalité le phénomène est bien plus large. Il est global et transforme progressivement les différents supports que nous connaissons. Même les œuvres d’art y passent ! Demain tous les secteurs seront touchés et plus profondément que vous ne l’avez anticipé. Construisez le monde de demain en anticipant dès maintenant et n’oubliez pas le digital. Il est l’outil le plus adapté à accompagner cette transformation.

L’oeuvre collaborative Measuring the Universe de R Ondak (Exposition MOMA – Fondation Louis Vuitton)

L’évolution des supports artistiques

Contre toute attente, de nouveaux modèles artistiques sont venus perturber la vision classique des œuvres d’art. Cette évolution est un formidable reflet de celle opérée sur le contenu même des œuvres. Dématérialisée et conceptuelle il est souvent difficile d’en saisir le sens. Ce ressenti était parfaitement « palpable » lors de l’exceptionnelle exposition « ETRE MODERNE : LE MOMA À PARIS » où le célèbre musée new-yorkais présentait plus deux cents chefs d’œuvre et pièces maîtresses à la fondation Louis Vuitton.

Les œuvres dématérialisées gardent une signification artistique au moins équivalente à celles traduites sur des supports traditionnels

L’exposition présentait l’évolution des collections du MOMA au cours des quatre-vingt-dix dernières années depuis la naissance de l’art moderne jusqu’à sa période la plus contemporaine. L’exposition est un « trompe l’œil » ; les œuvres semblent se simplifier au fil du temps. C’est tout le paradoxe des œuvres abstraites ou le contenu ne doit plus seulement être recherché dans la matérialisation de l’œuvre. Il doit aussi être recherché dans la réflexion artistique antérieure à la création et dans la propre interprétation du visiteur. La compréhension de ces œuvres dématérialisée nécessite une réflexion plus poussée de la part du visiteur.

L’exemple d’une des œuvres dématérialisées de Felix Gonzàlez-Torres

L’artiste cubain Felix Gonzàlez-Torres décédé prématurément à l’âge de 39 ans en 1996 fait partie des grands artistes du mouvement contemporain, notamment pour ses travaux sur l’art conceptuel. Touché par la maladie, il a travaillé sur des œuvres traitant de la propagation des maladies au sein de la population. Il a réalisé plusieurs œuvres en mettant à disposition du public un tas de bonbons. Le caractère unique de chaque oeuvre était ajusté en fonction du goût, des enveloppes et du poids des tas.

Untitled (USA Today) – Felix Gonzàlez-Torres (Exposition MOMA – Fondation Louis Vuitton)

Ma première rencontre avec une œuvre avec Felix Gonzàlez-Torres fut perturbante. Je me souviens très bien ce surprenant mélange alliant envie et retenue. J’ai rapidement assimilé un coté ludique à cette œuvre. […] J’y suis revenu quelque temps après lors d’une visite guidée. Le changement fut brutal, je découvrais toute la subtilité et la profondeur de cette œuvre. Je découvrais pleinement Untitled – USA Today […] Les visiteurs sont libres de prendre autant de bonbons qu’ils le souhaitent. L’œuvre fait un parallèle entre la diffusion des bonbons auprès des visiteurs et la diffusion du sida au sein de la communauté homosexuelle. […] J’ai mangé les bonbons progressivement, chaque dégustation provoquait chez moi une courte réflexion sur la maladie et la société. Comparable à celui de la madeleine de Proust

 La valorisation des biens immatériels

La dématérialisation des œuvres n’empêche pas leur valorisation. La preuve ? Les transactions ! En Décembre 2010 Untitled – Portrait of  Marcel Brient de Felix Gonzàlez-Torres a été adjugé pour 4,5 millions de dollars. Cette œuvre fait partie de la série phare de l’artiste reprenant le principe du tas de bonbons colorés à disposition du public. Cette œuvre se différencie par deux paramètres avec Untitled – USA Today: le poids du tas de bonbons (90 kg) et la couleur du papier cellophane (bleu). Les ventes aux enchères permettent de revenir à la « bonne vieille » méthode de valorisation entre l’offre et la demande.

La propriété des biens immatériels

Reprenons l’exemple de Felix Gonzàlez-Torres, pour 4,5 millions d’euros vous recevrez un certificat d’authenticité signé par l’artiste : avec ou sans les bonbons ! C’est à dire une feuille de papier signée expliquant que vous devez faire un tas de bonbons de 90kg et de couleur bleu (A ce prix la maison Phillips fournissait peut-être les premiers 90 kg de bonbons). La signature de l’artiste permet d’authentifier l’œuvre et matérialiser l’existence de celle ci. Elle apporte aussi un produit palpable à l’acheteur qui vient de dépenser une somme d’argent considérable.

Certains artistes poussent le concept jusqu’au bout comme l’artiste indien Tino Sehgal. Ses œuvres sont transmises oralement et réglées en liquide. Concrètement vous achetez un concept. D’autres exemples assez originaux sont visibles dans cet article de La Tribune.

Les dérives de la propriété conceptuelle

La dématérialisation du concept rend la notion de propriété floue, notamment sur l’origine de la création. Il existe de nombreux litiges où des artistes s’affrontent pour définir l’antériorité de leurs œuvres. Souvent une même idée émerge chez plusieurs individus. Comme dans le monde des startups ou il n’est pas rare de tomber sur des équipes indépendantes travaillant sans le savoir sur des réponses similaires à des problématiques.

Comment imaginer l’art de demain? Soyez créatif! Avec du numérique? Si l’oeuvre elle même n’existe pas de manière formelle, comme pour l’art conceptuelle autant opter pour un format digital, ce sera la représentation la plus à même de représenter l’aspect dématérialisé de l’oeuvre. Nous pourrions dire que le MOMA à déjà commencé cette transformation digitale avec l’achat en 2016 d’une licence des premiers Emoji de Shigetaka Kurita.

Retrouvez ici les cinq niveaux de la transformation digitale.