Un ami m’a emmené une première fois en Arménie en 2014. La semaine dernière, c’était la quatrième fois que je faisais le voyage. Le changement du gouvernement en mai 2018 a radicalement changé l’atmosphère, et les projets, digitaux ou autres, ont enfin une chance d’aboutir au profit de leurs promoteurs et d’enrichir le pays.
Développement digital de l’Arménie
Une culture historique de stockage et partage d’information
Il y a un musée étonnant à Yerevan, la capitale, il s’agit du Maténadaran, qui signifie bibliothèque en arménien. Il s’agit d’un des plus riches dépôt de manuscrits écrits en différentes langues, notamment en grec, latin, arabe et persan. Au-delà d’être un dépôt de savoir, les maténadarans étaient aussi des centre de diffusion et de copie de ce savoir.
Une culture des sciences dures
L’enseignement en mathématiques, physique, chimie, comme en tradition russe, sont très développés en Arménie. Il y a des cours de jeu d’échec obligatoires. Une de mes rencontres, qui a étudié une partie de son enfance en France, me disait que l’enseignement reçu en maths au collège en France était déjà dispensé dès l’école primaire en Arménie.
La silicon valley (silicon dzor) de l’ex-URSS
La société américano-taiwannaise, leader mondial de conception de composants électronique complexes, Synopsys, ne s’y est pas trompée lorsqu’elle a ouvert un centre de recherche à Yerevan en 2004. A ce stade c’est le plus gros de ce groupe avec plus de 700 ETP recrutés sur place.
Car cette ex-république socialiste soviétique d’Arménie, au temps de l’URSS, en était la silicon valley. L’indépendance, initiée en 1988, le tremblement de terre, la guerre et l’effondrement de l’URSS ont plongé le pays dans 25 ans de dépression, avec un régime politique de transition.
Le digital et le changement de régime
L’Arménie a fait très récemment l’objet d’un changement d’ère politique. Le nouveau premier ministre, Nikol Pachinian, ancien journaliste opposant aux régimes en place depuis les années 1990, a été élu avec le soutien de la foule, de la police et de l’armée, avec comme par ailleurs, une très grande utilisation des réseaux sociaux qui a permis à la population de diffuser l’information et coordonner des manifestations.

Discours à l’Ambassade de France à Yerevan
Une forte communauté digitale
J’étais, cette année et l’année dernière, présent pour assister à des sessions de pitch de start-up. Cette année, une délégation de députés français a assisté à la session de pitchs. Avec de l’aide d’associations, notamment le G2iA (Groupement interprofessionnel international arménien), la qualité des start-up a, je trouve, très significativement augmenté.

Start Doon incubateur du G2iA à Erevan
Entretemps, j’ai démarré des prestations de développement pour une start-up française. Ce que j’ai pu constater est que le savoir de haut niveau peut se trouver n’importe où, du moment que de l’internet à haut débit est présent. C’est le cas en Arménie, alimentée en internet par des câbles venant de Turquie et de Géorgie, qui traversent le pays pour ensuite alimenter l’Iran.
Il reste cependant de gros travaux à mener pour d’autres infrastructures, plus longues et plus coûteuses à construire, mais pas moins indispensables : routes, voies ferrées, aéroports, production et distribution électrique.
Et maintenant, une nouvelle ère digitale ?
Jusqu’en 2017, le pays était marqué par une forte émigration vers la Russie et les Etats-Unis, avec une désertification graduelle notamment rurale. Les personnes que j’ai rencontrées lors de différents voyages, qui envisageaient l’émigration, sont, maintenant que l’alternance politique a eu lieu, déterminées à entreprendre sur place. Des initiatives fortes, comme Tumo Center, ou le Smart Center du Children Of Armenia Fund (COAF) n’ont pas attendu l’alternance pour diffuser du savoir para-scolaire en digital, en ville et dans les campagnes.

COAF Smart Center, un ROLEX center en Arménie !
De nombreuses réflexions sont en cours pour déterminer comment le digital va être utilisé dans la sphère publique : élections basées sur la blockchain ? E-citoyenneté ? Les réalisations de l’Estonie sont examinées avec intérêt.
Comme aime à le marteler Idriss Aberkane, le savoir est une ressource inépuisable. Plusieurs pays qui ont fait ce pari ont eu des réussites remarquables. La Corée du Sud en est peut-être l’exemple le plus marquant. Penser l’avenir en investissant sur la connaissance, avec le digital comme fondement, est sûrement un excellent pari pour l’Arménie.