Le but de la prison est d’écarter les individus dangereux pour en protéger la société, mais aussi de prévenir la récidive. Et, selon la loi, la sanction pénale doit permettre de réinsérer les condamnés dans la société. Parce qu’une prison qui ne réinsère pas porte préjudice à toute la société. Pourtant, les chiffres sont mauvais : 61% des sortants de prison sont réincarcérés dans les 5 ans » (Ministère de la Justice, 2014).

Pour être réussie, la sortie de prison doit être anticipée.

Selon l’Observatoire International des Prisons (2017), les détenus font face à une série d’obstacles pour réussir leur sortie : isolement social et familial, difficultés d’accès au logement, difficultés administratives, endettement et éloignement du marché de l’emploi.

Les détenus ont toutefois la possibilité de travailler en prison, et le travail peut être vecteur de réinsertion. Mais un rapport de l’Institut Montaigne (2018) indique que le taux de détenus exerçant une activité rémunérée n’a cessé de décliner : c’est le cas de moins d’un tiers des détenus. De plus, les tâches confiées aux détenus sont de moins en moins en lien avec celles qui pourraient leur être confiées à l’extérieur. Celles-ci sont des vestiges d’activités pour la plupart disparues en France. Elles ne sont pas valorisantes et ne permettent pas aux détenus de développer des compétences les préparant à une vie professionnelle.

Le digital en prison a plusieurs rôles à jouer

  • Anticiper la fracture numérique à la sortie. Face à la dématérialisation des démarches administratives. Après avoir passé plus de 10 ans en prison, la fracture numérique à la sortie est béante : nouveaux outils, nouveaux modes de vie. C’est comme se retrouver projeté dans le futur. Il est compliqué de se réinsérer dans la société lorsqu’on est en décalage complet avec ses outils quotidiens. Mais l’importance du rôle que le digital doit jouer en prison ne se limite pas aux détenus de longue date. Il doit être vecteur de réinsertion et de professionnalisation.
  • Permettre aux détenus d’accéder à leurs dossiers administratif et judiciaire. A l’heure de la dématérialisation des services administratifs, les prisons ne peuvent pas être oubliées. De plus, pouvoir réaliser ces actes de la vie courante sans nécessiter de présence physique ou de formulaires papiers permet de décharger les agents pénitentiaires de tâches administratives chronophages qui se sont ajoutées à leur mission initiale.
  • Préparer la réinsertion professionnelle. En donnant aux détenus un accès à des ressources éducatives et à des formations, dans un volume beaucoup plus grand que ce que propose l’établissement. La réinsertion professionnelle doit se préparer en prison et prévenir les sorties « sèches » (sans emploi, sans ressources, sans solution d’hébergement).  

Quel impact en termes de coûts ? Selon Bozick et al. (2014), 1€ investi dans un programme de formation réduit le coût global de l’incarcération de 4 à 5 € dans les trois années suivant la libération, et encore plus au-delà.

Certaines prisons ont déjà introduit le digital dans leur enceinte

Des exemples réussis aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, pays qui compte environ 2,2 millions de personnes placées en détention, il existe une bibliothèque digitale pour les détenus. Ce système, baptisé National Corrections Library, rencontre un certain succès auprès des détenus. Il leur permet d’emprunter des livres au format électronique. Dans les établissements équipés, un net recul de la violence a été constaté.

Dans la région de Chicago, une startup du nom de Edovo, distribue des tablettes équipées d’un logiciel du même nom. Elles ne peuvent pas se connecter à internet, mais à un intranet local, administré par l’établissement pénitentiaire lui-même. Les détenus peuvent alors accéder à un ensemble de cours (ceux de la Khan Academy), utiliser des applications de thérapies cognitives et comportementales, accéder à des ressources comme celles des alcooliques anonymes. Côté divertissement, ils peuvent accéder à des jeux et à des films en les “achetant” avec des points qu’ils auront gagnés en complétant des tâches plus éducatives. Ce dispositif permet de suivre les détenus dans leur utilisation et leur progression. La tablette est robuste et compatible avec les impératifs de sécurité propres au milieu carcéral : les détenus ne peuvent pas en extraire les composants et se fabriquer des armes.

Une ombre au tableau en Belgique

La prison de Beveren est une des plus modernes de Belgique. Les détenus ont accès à un service baptisé Prison Cloud, sur lequel ils peuvent consulter des cours en ligne (au format texte uniquement), chercher un emploi, passer des appels vidéo, et louer des films. Certaines pages internet sélectionnées leurs sont toutefois accessibles, pour préparer leur réinsertion. Cependant, certains détenus ont profité d’une fonction du site VDAB (un service public pour l’emploi et la formation professionnelle en région flamande) pour envoyer des e-mails et poursuivre leurs activités criminelles.

Et en France ?

Le 15 octobre 2018, le ministère de la justice a présenté le projet informatique Numérique En Détention (NED), un outil informatique à destination du personnel pénitencier, des détenus et de leurs familles. Accessible en cellule, dans les salles d’activité et dans les coursives, il a 4 objectifs :

  • Libérer les agents de tâches administratives.
  • Améliorer l’autonomie des détenus dans la gestion de leur quotidien en détention.
  • Intégrer les partenaires pédagogiques que sont l’Education Nationale et le CNED.
  • Responsabiliser le détenu et l’aider dans la préparation de sa sortie.

La première version devrait voir le jour à l’été 2019, en test dans 3 prisons.