Le stationnement payant sur téléphone mobile est un cas emblématique de digitalisation du service public. Il remet profondément en question des notions très ancrées dans la pratique administrative, et peut conduire à des effets contre-productifs.

Même Versailles s’y met ! Depuis le 16 juillet 2017, on peut y payer son stationnement avec son téléphone portable, en utilisant la même application qu’à Paris. Ce service est bien accepté par les usagers, et simplifie singulièrement la gestion du stationnement payant. L’usager s’inscrit auprès d’un fournisseur de services dont il a préalablement chargé l’application mobile, il lui confie ses coordonnées de paiement et peut alors acheter les titres de stationnement payant de plus de cent cinquante villes en France via l’application. Des services supplémentaires lui sont offerts en standard : il est averti quelques minutes avant l’expiration de son stationnement payant, et peut le prolonger en quelques clics, sans retourner à sa voiture. Il peut obtenir un état de ses droits de stationnement achetés.

On peine à imaginer les changements de pratiques que ce service induit dans les administrations. Le point focal, qui d’une certaine manière caractérise la digitalisation dans la sphère publique, est la dématérialisation du titre. Nous en verrons les conséquences en deux articles, celui-ci pour ce qui concerne la perception du droit de stationnement, et un article à venir pour ce qui concerne la chaîne de traitement de la contravention.

Le stationnement payant conventionnel consiste en l’achat d’un titre, constitué d’un ticket imprimé par un horodateur situé sur la voie objet de stationnement payant. Le ticket horodateur placé de manière visible derrière le pare-brise d’une voiture signifie que cette voiture est autorisée à stationner pendant la période indiquée sur le ticket. À cette modalité classique s’en ajoute désormais une autre : l’usager règle le droit de stationnement auprès de l’opérateur privé préalablement désigné ; il indique l’immatriculation du véhicule pour lequel il acquitte le droit de stationnement. Pour vérifier le paiement, l’agent de contrôle n’ayant pas trouvé de ticket horodateur conforme doit consulter l’opérateur, et vérifie qu’un droit de stationnement est effectivement réglé pour le véhicule dont le numéro est indiqué, pour l’adresse à laquelle il stationne.

Un titre dématérialisé

Le point essentiel ici est que le titre de stationnement est dématérialisé. Cette dématérialisation bénéficie à l’usager, à la sphère publique et à l’environnement. L’usager ne s’occupe plus de conserver son titre de stationnement, c’est l’opérateur qui s’en charge. L’opérateur agit en tiers de confiance, c’est-à-dire que l’usager autorise de fait les autorités de police et de justice à consulter l’opérateur pour vérifier que le droit de paiement a été acquitté. Tout ceci peut se dérouler sans production de papier, au bénéfice des arbres et de la planète.

Ce changement de paradigme sous-tend une évolution radicale du contrôle. L’agent verbalisateur ancienne manière travaille avec un carnet à souche et un stylo. Il utilise désormais un appareil mobile qui lui permet de consulter l’opérateur et de transmettre le procès-verbal éventuel.

Des effets de bord semant le doute

Pour organiser cette digitalisation du stationnement payant, il a fallu modifier radicalement les pratiques des agents verbalisateurs et les équiper, en plus de créer une application grand public apportant un vrai service. Le fait de confier la collecte du droit de stationnement n’est pas la novation la plus radicale, cela fait déjà longtemps qu’une personne privée peut être investie d’un service public. Mais l’évolution du contrôle du stationnement a, comme toute nouveauté, introduit des effets de bords parfois gênants. Ainsi, l’application mobile des agents de contrôle tend à automatiser la verbalisation. L’agent indique le numéro du véhicule, le lieu précis de stationnement, et si un ticket valable existe. L’application en déduit qu’il faut ou non verbaliser. Une erreur minime sur la désignation du lieu peut induire une verbalisation. Ainsi, si l’agent verbalisateur inscrit le 33 boulevard Beauséjour à Paris, la verbalisation est automatique. En effet, la numérotation réelle passe de 31 à 35, le 33 correspondant à une voie nouvelle ouverte ultérieurement à la numérotation, et n’existe donc pas. Ce boulevard longeant la Petite Ceinture n’a pas de numéro pair. Le 33 boulevard Beauséjour n’étant pas inscrit comme lieu autorisé au stationnement payant du 16e arrondissement, l’application conclut à une verbalisation. De quoi faire douter l’usager de l’efficacité de son application de stationnement payant…

Où est le numéro 33 ? Pas de 33 = pas de droit de stationner.

D’autres conséquences plus complexes interviennent dans le traitement de la chaîne de traitement du procès-verbal. Ce sera l’objet d’un prochain article.