La simplification des démarches administratives est, de tous temps, un enjeu politique majeur, mais à l’ère du Tout Numérique, où les utilisateurs ont l’habitude de tout gérer depuis leur téléphone mobile, cela devient une urgence, à la fois vis-à-vis du public, mais également pour des questions de positionnement de la France sur sa transformation digitale par rapport à d’autres pays européens. En 2018, la « loi pour un État au service d’une société de confiance », dite loi «Confiance», a été promulguée. Elle stipule, entre autres, que “Les rapports entre le public et l’administration sont fondés sur les principes de loyauté, de simplicité et d’adaptation”.

En janvier 2019, un pas de plus est franchi, un décret « relatif aux échanges d’informations et de données entre administrations » est publié, il instaure le principe « Dites-le-nous une fois”.

Dites-le-nous une fois, qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit d’un principe simple : une administration X détient déjà une de vos pièces justificatives ? L’administration Y s’engage à ne pas vous la demander et à se procurer ladite pièce par API. Basique, me direz-vous ? Pourtant, les données publiées en octobre 2022, i.e. plus de 3 ans après le décret en question, par l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne (voir compilation graphique des résultats ci-dessous) nous disent que le chemin n’est pas si court et que la pente de la simplification des démarches administratives n’est peut-être pas si douce. En effet, 25 seulement des 56 administrations dont les données sont exploitables affichent un score évalué comme “bon”, ce qui signifie que 56% des administrations continuent à demander, modérément ou excessivement, de la ressaisie et de l’envoi de documentation dont elles disposent par ailleurs.

Ceci, alors même que les responsables du service joliment appelé DINUM nous annoncent une nouvelle, ô combien joyeuse et qui est que “Au 30 septembre 2020 : L’échange des données entre administrations devient automatique pour une liste de démarches, dont la demande d’allocation logement en ligne”. Or, cet échange devenu a priori automatique en septembre 2022 pour la demande d’allocation d’aide au logement par exemple, continue d’afficher un incroyable 19 au score du “Dites-le-nous une fois” ! La mauvaise nouvelle est que, selon les autorités compétentes en la matière : “Un score supérieur ou égal à 5 signifie un effort de ressaisie demandé aux usagers”. En d’autres termes, redites-le-nous toujours, on n’a rien entendu !

Parlez plus fort, puis ensuite écrivez sur du bon vieux papier !

Cette réalité que traduisent les chiffres a lieu au grand dam des usag·ère·s, qui peuvent continuer à ouvrir des comptes en banque, travailler, acheter des produits ou services en deux clics sur un téléphone portable, et en même temps, iels doivent continuer à remplir des CERFA, qu’il faut imprimer, signer, tamponner, envelopper, cacheter, affranchir et envoyer puis attendre un envoi tout aussi enveloppé, deux fois mieux cacheté, bien tamponné et affranchi et qui les informera que la pièce XYZ103459 doit être renvoyée. Ceci car, en effet, autre volet d’amélioration on ne peut plus urgent est que, si l’initialisation des démarches administratives se fait bien en ligne (avec renvoi des documents que vous avez déjà envoyés N fois à N administrations, certes, mais elle se fait), le processus de complétion, lui, continue de s’opérer à grands renforts d’enveloppes, de cachets et de signatures, avec les délais (et les coûts de traitement, de gestion et de dématérialisation) associés, sans parler de la frustration et de la perte de temps et d’énergie des usag·ère·s face à ce genre de situations. 

En conclusion, malgré un progrès indéniable dans la numérisation des démarches administratives (85% des  250 démarches les plus utilisées par les Français en septembre 2021, il semblerait que l’intégration et la vision « bout en bout » soit encore loin d’être satisfaisante, sans parler de l’expérience des usag·ère·s qui ne veulent pas simplement effectuer une démarche mais suivre sa prise en charge et son traitement, communiquer rapidement avec un interlocuteur accessible et être notifié de l’avancement de leurs dossiers.. Tout cela sera donc probablement disponible lors d’une version du service public numérique Chantez-le-nous A Capella !