Ma fascination pour les technologies et le confort qu’elles confèrent m’a, depuis tout petit, intéressé à l’automatisation des lieux de vie, avec des actionneurs commandés à distance. La domotique comprise (Home Automation en anglais). Jusqu’à une dizaine d’années, c’était compliqué ET hors de prix. C’est maintenant abordable. La complication ne me faisant pas peur, et étant posé sur les épaules d’un géant, je me suis donc enfin lancé. Je vous propose de partager mon retour d’expérience.

Mes expériences préalables

Ayant récemment installé des ventouses magnétiques sur des portes, des cameras-portier électronique, des cameras de video netatmo, des capteurs de températures, des prises électriques commandées par internet, j’ai constaté plusieurs choses désagréables :

  • Chaque matériel vient avec son application ; j’ai fini par me retrouver avec une dizaine d’app sur mon smartphone, et encore j’ai cherché à réduire ce foisonnement
  • Les différents outils ne communiquent pas entre eux, ou alors, mais pas toujours, avec des services tels que IFTTT. Donc impossible de commander une prise de marque X qui allume le jardin quand la camera extérieure de marque Y détecte une présence
  • Certains matériels sont tombés en panne, car le fournisseur de l’application sous-jacente dans le Cloud a fait faillite
  • Certains matériels sont très compliqués à installer, et pour la plupart, cela ne se passe pas du tout comme expliqué dans la notice
  • Certains matériels sont très intéressants, mais… il faut souscrire à un service additionnel payant dans le Cloud afin d’avoir d’autres fonctionnalités encore plus intéressantes. A coup de 10 €/mois, un plus d’un matériel acheté 200 €, ça finit par faire cher
  • Certains matériels imposent un routeur maison : ceux-ci je les ai proscrits. J’ai un super réseau Unifi ultra performant et du FTTH chez moi, hors de question d’ajouter une box
  • C’est (était) cher : comptez entre 100 et 200 € le moindre appareil (camera, portier, commande de lumière…)
  • Les matériels nécessitent, pour la plupart, tous un bon réseau Wifi, et pas un bricolo où on empile des répéteurs, qui au bout de la chaine fournissent un débit ridicule et des latences catastrophiques. Evidemment, pour faciliter l’acte d’achat, le marketing des dits produits ne vous avertit pas de cela, ou alors en police arial 4 dans un coin de la boite.
  • Enfin, un truc encore plus désagréable, tous ces systèmes sont branchés à Internet, donc échangent des informations, je ne sais pas lesquelles, avec des serveurs que je ne maitrise pas. Très gênant pour des cameras, des capteurs, des actionneurs. Surtout quand la plupart sont fabriqués en Chine, avec des app hébergées on ne sait où.

La benne est donc bien chargée, mais je m’y étais mis, et avais donc quelques commandes depuis mon smartphone, avec quelques automatisations poussives, principalement basées sur l’heure : allumer cette prise qui commande ce lampadaire à partir de 17h30. Bizarrement il y avait une automatisation « à partir du coucher du soleil » mais qui n’a jamais marché. Problème de gestion des fuseaux horaires peut-être ?

Tout ça, c’était avant. Avant que Jean-Paul Figer ne me parle de Home Assistant.

Domotique : simple ?

Tribute to Jean-Paul Figer

Jean-Paul, que j’ai eu la chance de connaitre à Capgemini, et avec qui nous travaillons aujourd’hui régulièrement pour rendre des utilisateurs heureux avec les technologies, a publié et mis à jour des articles sur la Domotique, dont cette dernière mouture : https://www.figer.com/Publications/domotique2020.htm.

Fatigué d’empiler les app sur mon smartphone, et peu après avoir enfin eu la fibre à la maison, et installé, aussi grâce à Jean-Paul, un très bon réseau Unifi chez moi, je me suis lancé : achat d’un Raspberry Pi 3B+, installation de l’open source Home Assistant, et configuration des appareils.

Je précise que je ne suis pas un informaticien. J’ai bien programmé enfant, et un peu étudiant, mais je n’ai jamais suivi de cours sur les réseaux, je connais 3 commandes de shell Unix/Linux, et à part une curiosité limitée par mon besoin de dormir la nuit, pas plus de connaissances techniques que ça. J’ai donc passé pas mal de temps à comprendre plusieurs choses qui sont évidentes à des professionnels, mais j’y suis arrivé, et grâce à un truc génial : Youtube. Des dizaines de personnes dans le monde entier partagent leurs expériences, et si vous parlez anglais, car la plupart des meilleures videos sont anglophones, et bien vous trouvez votre bonheur et votre solution.

Quelques exemples

Vous voulez automatiser des interrupteurs mécaniques existants : intégrez ces interrupteurs (Shelly One) dans les boitiers d’encastrement. Gros avantage : vous continuez à pouvoir utiliser l’interrupteur mécanique que vous aviez, et vous pouvez aussi le commander par Home Assistant. Gros inconvénient : en général les boitiers d’encastrement n’ont pas assez de place pour accueillir de dispositif, alors même qu’il est pourtant tout petit. J’ai donc dû creuser le boitier sur le côté avec un multi-tool, outil magique pour intervenir dans des coins difficiles d’accès.

Vous voulez commander des prises : Shelly Plug

Vous voulez une camera : Unifi Camera

Mais il y a encore mieux et moins cher. Avec ce composant magique, l’ESP8266, pour moins d’un euro, vous pouvez commander  un interrupteur pour jusqu’à 10 A sous 230 V, soit un confortable 2 kW. Pour allumer des lumières, ouvrir une ventouse magnétique, ou une gâche électrique, éteindre ou allumer un petit radiateur. Pour moins d’un euro. Prix public TTC. Livré chez vous.

Si vous ajoutez un tag RFID, comme celui-ci, (Tag RFID autocollant), vous pouvez, en le scannant avec votre smartphone, déclencher une autre action via Home Assistant, comme l’ouverture d’une porte.

Des dispositifs permettent de mesurer la température, l’énergie consommée, l’humidité, la luminosité, Home Assistant récupère toutes ces informations, et vous pouvez écrire des automatisations en langage quasi naturel pour actionner des interrupteurs eux aussi basés sur ce composant ESP8266, qui arrosent les plantes, éteignent lumières, descendent les stores, allument des ventilateurs… Il y a même de quoi récupérer en direct les informations en se branchant sur le compteur Linky. Et tout cela, si vous prenez le temps de chercher un peu, pour quelques euros seulement grâce aux plateformes telles que Amazon, ou Aliexpress si vous n’êtes vraiment pas pressés.

Des automatisations à la pelle

Leçons tirées : un business model introuvable ?

J’ai enfin réussi à transformer quelques lieux de vie en quelque chose qui ressemble au vaisseau Entreprise de la série Star Trek. Et ce au prix de quelques demi-journées (5 à 10) à éplucher les tutos Youtube et quelques euros dépensés sur internet.

Je fais les constats suivants :

  • il faut un réseau Internet de bonne qualité. J’ai du FTTH très haut débit, mini 200 Mbps up et down, distribué partout chez moi par des points d’accès Unifi
  • Sans être un technicien, j’ai quand même quelques micro bases, et j’ai passé plusieurs demi journées à faire marcher tout cela. Pas sûr que Madame Michu y arrive
  • J’ai plein d’outils à la maison : faire des trous dans les murs, souder, se brancher sur un circuit imprimé, j’essaie d’éviter, mais je sais faire. Madame Michu ?
  • Il faut farfouiller sur AliExpress ou Amazon, trouver les bons modèles
  • Il faut farfouiller dans Youtube, parfois même sur stackoverflow, et même GitHub
  • Il faut installer un Raspberry Pi
  • Il faut paramétrer Home Assistant, faire en sorte qu’on puisse y accéder depuis l’extérieur, donc mettre en place un certificat https, du forwarding de port dans son routeur, découvrir que free avait bloqué certaines plages de ports…

En plus, comme les matériels deviennent abordables, on ne peut même plus planquer du service d’installation dans le prix prohibitif de l’appareil. Et si vous aviez l’intention de faire appel à un électricien pour vous aider, oubliez. Aucun n’est formé pour cela, et s’il en existe quelques uns, ils sont sûrement occupés pour les 5 prochaines années à équiper les villas et hôtels de luxe aux quatre coins du monde.

J’oublie sûrement plein de frottements que j’ai pu surmonter pour arriver là où j’ai pu arriver. Ma conclusion est que cela reste inaccessible à Madame Michu, qui a déjà parfois du mal à installer une app sur son smartphone.

Le marché semble donc introuvable.

Mais ?

Cependant, la démocratisation de composants tels que le ESP8266, qui permet d’actionner des interrupteurs directement depuis du Wifi pour moins d’un euro, ou collecter des données sur l’appareil et les diffuser en Wifi, cela devrait propulser l’internet des objets (IoT).

Plus aucun fabricant de machines, d’électroménager, n’a plus d’excuse pour commercialiser des appareils déconnectés d’Internet. Et il faut qu’ils utilisent des technologies standard de l’Internet telles que MQTT pour l’échange des données, ce qui permet une interopérabilité totale entre tous les systèmes.

Avec la croissance des matériels connectés, des systèmes tels que Home Assistant ou autres vont devenir de plus en plus ergonomiques, jusqu’au point où même Madame Michu va pouvoir s’en emparer.