Lors d’un déjeuner avec mes chers collègues, nous avons eu (une fois n’est pas coutume !) un débat passionnant autour de la question suivante : comment peut-on dire qu’une activité est un sport ? Sur quels critères se baser ? La réflexion nous a amené à nous poser la question concernant les jeux vidéo. N’ayant que peu, voire aucune connaissance sur le sujet, et n’ayant pas la prétention d’y apporter une réponse, je me suis dite qu’un petit tour d’horizon de la discipline apporterait néanmoins quelques éclairages.
L’e-sport qu’est-ce que c’est ?
L’e-sport (ou sport électronique) s’est développé au début des années 2000 avec deux jeux principalement : Counter Strike et Starcraft. Il s’agit de compétitions de jeux vidéo en ligne (sur internet) ou via un réseau local (LAN), seul ou en équipes, et réalisées de trois manières possibles :
- Le joueur face à la machine (Man vs Machine)
- Deux adversaires s’affrontant l’un contre l’autre (Man vs Man)
- Deux équipes de plusieurs joueurs, jouant l’une contre l’autre (Team vs Team)
L’e-sport a connu son essor dans la fin des années 80 avec le développement et la démocratisation de l’internet et par voie de conséquence les jeux en réseau multi-joueurs.
Les évolutions des jeux vidéo depuis les années 90 (ici Counter strike)
En quoi l’e-sport s’apparente à une discipline sportive ?
L’e-sport est-il un sport de la même manière qu’on l’entend pour un sport « traditionnel » ? La question est légitime. Quelques éléments de réponse.
Un réel effort physique
De prime abord, on aurait tendance à dire que jouer sur une console est bien loin de l’image que nous avons communément du sportif… Mais détrompez-vous, les gamers sont bien de vrais sportifs ! Bien sûr, ils n’ont pas le physique d’athlètes tel qu’on se l’imagine mais ils suivent un entrainement spécifique et s’imposent une hygiène de vie digne des sportifs de haut niveau. Ils développent des compétences telles que l’acuité visuelle, la rapidité, la stratégie d’équipe… ils font aussi preuve de calme, de sens tactique et savent bien gérer leur stress ; tout cela grâce à l’accompagnement de leur coach qui les booste tels des boxeurs sur un ring.
Des catégories professionnelles comme n’importe quel sport
Comme tous les sports, il y a les catégories :
- Amateurs,
- Semi-professionnels,
- Professionnels.
De plus, cela dépend du sport à proprement parler ; par exemple, les joueurs de Fifa sont majoritairement amateurs tandis que sur Starcraft la tendance s’inverse avec une majorité de professionnels.
Un écosystème propre : compétitions, économie, marques et sponsors… comme la plupart des sports !
Il existe des dizaines de compétitions différentes organisées par une poignée d’acteurs soit indépendants (comme l’Electronic Sports World Cup ESWC, créée en 2003 par la société Oxent) soit liés à des éditeurs de jeux (tels que EA Sports). Les tournois d’e-sport ont rapidement évolué : des débuts où les LAN s’organisaient dans des gymnases ou écoles aux championnats du monde organisés dans des arènes prestigieuses comme par exemple le championnat de League of Legends organisé ni plus ni moins qu’au sein du « Nid d’oiseau », l’emblématique stade olympique de Pékin ayant accueilli des JO de 2008. L’événement a rassemblé pas moins de 40 000 spectateurs et plus d’une centaine de millions de « viewers » (spectateurs en ligne)… soit quasiment autant que lors du Superbowl, événement sportif le plus populaire aux Etats-Unis ! Sans parler des montants mis en jeux : les principales compétitions internationales engendrent plusieurs millions de dollars de chiffre d’affaires avec de gains de l’ordre du million de dollars pour l’équipe gagnante ! Le marché est estimé à près d’un milliard de dollars en 2018 et devrait exploser dans les années à venir, avec une estimation à plus de 1,6 milliards de dollars en 2021 (d’après une étude Statista).
L’e-sport attire alors son lot de sponsors, médias et marques sportives ou non, il rassemble des clubs et communautés de joueurs et se trouve même sous l’œil des gouvernements dont l’intervention est nécessaire pour encadrer l’essor de ce secteur. Un organisme de régulation et contrôle de la pratique en compétition Esports Integrity Coalition a même été créé en 2016 pour lutter contre les dérives liées aux nouveaux enjeux économiques et financiers.
Une fédération internationale… bientôt les JO ?
Peut-être l’élément le plus marquant dans la démarche de reconnaissance de l’e-sport entant que sport à part entière : une fédération internationale de sport électronique « l’international e-sport federation » (IeSF) a été créée en 2010 afin de promouvoir la discipline et de faire reconnaitre la discipline. En 2016, le Comité Olympique a reconnu l’e-sport comme un sport laissant les gamers espérer voir leur sport aux JO de Paris en 2024.
Quelle place pour l’e-sport en France ?
On observe depuis quelques années une démocratisation de l’e-sport, portée notamment pas une médiatisation croissante. L’année 2016 fut marquante pour l’e-sport qui a été reconnu officiellement comme discipline sportive dans le cadre de la loi pour une République Numérique portée par Axelle Lemaire, alors Secrétaire d’Etat Chargée au Numérique. La loi prévoit notamment un statut social pour les joueurs professionnels, un cadre légal pour l’organisation de tournois, la création du Fédération France de e-sport…
En 2016 et pour la 1ère fois, la France accueillit une compétition d’e-sport de plusieurs semaines l’E-football League, basée sur le jeu vidéo de football Fifa et ayant été retransmis une chaine de télévision. En 2019, Paris sera la ville hôte de la finale du championnat le plus médiatisé au monde, le championnat League of Legends.
La France et globalement le Vieux Continent ont un tout de même encore du retard par rapport à d’autres pays, la Corée et la Chine en tête, organisatrices de tournois d’e-sport depuis les années 90, diffusant les compétitions à la télévisions et où le gouvernement subventionne même les tournois…
Quel avenir pour l’e-sport ?
C’est bien le nouveau phénomène ! Le secteur du jeu vidéo, si particulier et souvent marginalisé, est en train d’exploser : la démocratisation de la discipline avec de plus en plus de joueurs et d’équipes professionnelles, des affluences encore jamais vues lors des compétitions, l’essor d’une nouvelle économie via les tournois, la médiatisation, le sponsoring… Même Google s’y met avec l’annonce officielle ce mardi de la mise en ligne de sa plateforme de jeu vidéo en streaming, nommée Stadia. Le géant d’internet fait une entrée remarquée dans le monde de l’e-sport en apportant avec son cloud la promesse de nouveaux horizons.
Bref, on assiste bien à la croissance fulgurante d’une nouvelle discipline et d’un nouveau marché, en à peine 20 ans et qui ne semble pas près de s’arrêter !