Dans un article précédent, nous vous présentions le rôle avant-gardiste de la France en termes d’open data et l’intérêt des collectivités à continuer à impulser ce rôle. Néanmoins, pour atteindre cet objectif les collectivités sont confrontées à de différents enjeux concernant la gestion de la donnée territoriale. Dans cet article, nous vous présentons ces enjeux à l’aide de notre lecture des guides de la Banque des Territoires.

Les enjeux de la gestion de la donnée territoriale

« La gestion des données est un enjeu stratégique et politique pour les territoires » écrit la Banque des Territoires dans son rapport « Gestion des données : quels outils et quelle stratégie pour les territoires ». En effet, la gestion des données d’un territoire ne se limite pas seulement à l’aspect purement technique de collecte et stockage des données mais aussi à leur rôle de guide des choix politiques des collectivités. Il ne suffit pas de mettre en oeuvre les différents textes législatifs. Il convient aussi d’exploiter de la manière la plus efficiente les données créées dans leur territoire par divers acteurs. Cela afin de garantir l’exercice numérique des compétences territoriales des collectivités.

Dans cette logique, plusieurs villes, métropoles, interco, départements et régions se sont lancées dans la définition de leur stratégie. Cependant tous se sont trouvés rapidement confrontées à de nombreux enjeux.

1. Souveraineté

La collectivité doit être capable de garantir à tout moment la maîtrise de ses propres données ainsi que de celles produites dans le territoire par des acteurs privés. Cela implique de :

  • S’assurer que dans les contrats de concession et de marchés publics, les prestataires ne puissent pas s’approprier des données : les collectivités doivent spécifier que les données produites, collectées et traitées par les délégataires sont réputées publiques. Le statut de « donnée publique » est défini par le code des relations entre le public et l’administration. De ce fait, les prestataires ont à s’engager à les mettre à disposition gratuitement et à suivre des éventuelles exigences de stockage (sous conditions).
  • Générer un espace de dialogue avec les acteurs privées concernant les données qu’ils produisent dans le territoire notamment les données « d’intérêt général », c’est-à-dire qui peuvent guider des politiques publiques. A titre d’exemple, Nantes Métropole a créé dans sa Charte métropolitaine de la donnée l’appellation « données d’intérêt métropolitain » : cela lui a permis d’accéder à certaines données produites dans le territoire par des acteurs privés, dans le respect de la propriété intellectuelle et des autres droits de chacun.

2. Valeur économique des données

La maîtrise des données rend plus simple la conduite de politiques publiques et le contrôle de l’activité des délégataires. Cela s’avère fondamental pour garantir les compétences des collectivités. En effet, elles peuvent s’en servir pour mieux connaître leur territoire et leurs habitants, par elles-mêmes ou via des prestataires. C’est le cas de la métropole de Dijon qui en 2015 a lancé son projet de pilotage unique de plusieurs fonctions urbaines (ex. la circulation, le stationnement, l’accès au centre-ville…). Ce pilotage est possible à partir d’équipements gérés à distance. Cela en maîtrisant les coûts et en impulsant la performance de ces fonctions.

3. Environnement

Ce n’est pas un secret la croissance du numérique inquiète sur l’augmentation de son empreinte carbone, spécialement après le choc des mesures du premier Shift Project. Même si ce sujet est encore émergeant, il est critique et les pionniers de la transformations numérique durable s’en emparent (découvrez le bilan carbone de notre cabinet). L’impact carbone fait partie des grandes inquiétudes des collectivités avec les capteurs qui se démultiplient et qui génèrent des masses de données pour la gestion du territoire. Selon, la Banque des Territoires, le volume de données produites pour la gestion des villes double tous les deux ans (a minima !).

De ce fait, les collectivités (et les délégataires) doivent chercher à une approche sobre dans la collecte et le stockage des données. Cela veut dire que seules les données nécessaires pour le service public en question doivent être collectées. Dans le cas des services nécessitant l’accès massif aux données, la collectivité doit le compenser par des politiques ecofriendly concernant le service public en question.

A titre d’exemple, la ville et la Communauté d’agglomérations de La Rochelle ont créé une « charte numérique responsable ». Elles développent ainsi leurs usages numériques tout en optimisant les outils numériques (pour limiter leur consommation énergétique) et en développant un catalogue de services accessibles pour tous et durables.

4. Choix technologiques

Les données ne doivent pas seulement être enfermés dans un data center. Excepté les données qui selon la loi sont non publiables, elles doivent être facilement accessibles et exploitables et dans un environnement sécurisé. Cela concerne également les prestataires agissant pour le compte d’une collectivité.

On entend ainsi parler du choix de plateforme pour l’open data, de la création des API, de l’interopérabilité des formats et bien sûr de la cyberdéfense. Pour ce dernier élément, l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a publié en 2020 un guide des règles de sécurité pour le développement des outils et interfaces publiques.

5. Obligation juridiques

Les collectivités territoriales doivent prendre en compte dans leur stratégie les deux grands piliers réglementaires concernant la data : le RGPD et l’obligation d’ouverture des données publiques (issue de la loi pour une République Numérique) pour les territoires de plus de 3 500 habitants et 50 ETP. Cela implique par exemple

Par ailleurs, tout acteur privé agissant pour le compte d’une collectivité doit également veiller à respecter ces législations, sous le contrôle de la collectivité. Il doit également adopter un rôle de sous-traitant des données et assumer la délégation de responsabilité pour la collectivité. Cela pour ne pas donner lieu à des litiges de propriété des données, notamment celles personnelles. Et comme le précise la Banque des Territoires : « … ce n’est pas parce que la collectivité confie (…) le traitement des données à caractère personnel (…) qu’elle n’est plus responsable de [leur] traitement ».

6. Organisation dédiée

Tous ces enjeux et la stratégie qui y répondra impliquent une forte mobilisation des agents territoriaux et l’animation d’un écosystème d’acteurs publics et privés produisant des données. Les collectivités doivent donc penser à structurer l’organisation de tous ces éléments autour d’une organisation ou fonction data. Cette fonction data garantira l’évolution et alignement de la stratégie data, le respect des enjeux de la collectivité et des législations. Cette fonction s’occupera également de l’acculturation autour de la data auprès des agents internes, des élus et des citoyens.

 

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