Aujourd’hui je vous présente Felix… non pas le fameux chat des publicités pour croquettes (miaou !) mais la startup Félix, qui révolutionne le service des taxi moto ! Rencontre avec son co-fondateur et CMO, Thibaut Guérin.

Thibaut Guérin, CMO et co-fondateur de Félix
Notre vocation : démocratiser l’accès au transport urbain grâce à nos taxis moto électriques
Quelle est l’origine du projet ?
Avec mon associé nous réalisions il y a quelques années un séjour humanitaire au Cambodge ; là-bas notre seul moyen de transport était le taxi moto, très démocratisé et facile d’accès. Cependant les conditions n’étaient que très rarement cadrées et sécurisées. L’idée nous a trotté dans la tête à notre retour à Paris : il n’existe pas de service mutualisé et facilement accessible de taxi moto à Paris. Pourtant la ville s’y prête : congestion du réseau de transport, trafic routier, petite superficie urbaine, beaucoup de déplacements professionnels… pas moins de 150 heures perdues dans les transports par l’automobiliste francilien en moyenne en 2018 ! (http://www.leparisien.fr/societe/circulation-150-heures-perdues-dans-les-bouchons-parisiens-en-2018-04-06-2019-8085714.php). Ce qui nous a frappé lorsque nous avons lancé notre projet en 2016 c’est le retard de ce secteur : plus de 8 ans près l’arrivée d’Uber en France, il y avait très peu de plateforme similaire pour le taxi moto. Et l’offre était particulièrement opaque et les canaux de réservation encore archaïques. Nous apportions avec Felix, de la transparence, de la simplicité d’utilisation et une expérience 100% digitale pour nos utilisateurs en agrégeant la communauté des chauffeurs sur une plateforme unique
En quelques mots, Felix c’est quoi ?
Félix propose un service de scooters électriques avec chauffeurs. Notre ambition est de permettre aux personnes de se déplacer plus rapidement en ville, dans des conditions de qualité de service et à moindre coût. Historiquement le taxi moto vise un public très haut de gamme, professionnel et en particulier sur les trajets entre les aéroports et Paris. Par exemple, une course Paris – CdG coûte environ 90 €. Et cela se comprend, les chauffeurs ont un coût opérationnel relativement haut : environ 40 000 euros de moto, et chaque année une assurance aux alentours des 8 000 euros et 1 000 euros d’essence. Notre idée est donc de casser ce marché et proposer des prix accessibles pour ouvrir ce marché au plus grand nombre. Notre idée : digitaliser le service de taxi moto, globalement archaïque à ce niveau-là ; jusqu’à à présent les chauffeurs étaient organisés en petits pools et échangeaient entre eux via WhatsApp pour s’informer des courses à prendre. Nous avons donc agrégé cette communauté et mis à disposition des chauffeurs et des clients une unique plateforme.
En 3 ans, Felix est devenu un acteur clé du transport urbain à Paris
Concrètement comment avez-vous fait ?
On s’est renseigné sur les textes de lois encadrant l’activité des taxi moto. Il est stipulé qu’il faut utiliser des motos avec une puissance suffisante pour assurer les conditions de sécurité et confort de l’usager. Cela réduit fortement le champ des possibles, à peine quelques modèles de moto très coûteuses répondent à ces exigences sur le marché actuel ! Sauf que cela ne concerne que les véhicules thermiques : aucune loi ne s’applique aux véhicules électriques. Nous avons donc développé notre offre sur une moto confortable et rassurante pour le client mais à un coût modéré pour le chauffeur.
Il y’a un an et demi nous avons été sollicités par Citybird, le leader des taxi moto en Ile de France. Leur fondateur Cyril Zimmermann est un entrepreneur de la tech, avec Félix nous avions le réseau des chauffeurs et un sponsoring auprès d’un investisseur spécialisé dans les nouvelles mobilités. Nous avons commencé par monter un partenariat en connectant nos API et tester la complémentarité de nos offres pendant plusieurs mois. Le test a été concluant, et nous avons décidé de rapprocher nos deux structures après 6 mois d’essais. Nos deux marques ont coexisté pendant plusieurs mois pour habituer nos clientèles respectives ; elles ont fusionné cet été. Nous avons mutualisé nos ressources et compétences aussi, en particulier sur les opérations et le dispatch des chauffeurs au Citybird était plus mature que nous.
Comment la communauté des chauffeurs a vécu l’arrivée de Felix ?
L’aspect « ubérisation » de leur métier faisait peur à certains chauffeurs au début. Notre association avec Citybird nous a crédibilisés.
Ensuite, pour être chauffeur de taxi moto il faut une carte professionnelle délivrée par l’état et justifier d’un minimum d’expérience de conduite de moto. Notre méthode au début consistait à chasser les chauffeurs sur les réseaux sociaux.
On a donc poussé notre besoin au niveau de l’Etat en demandant de mettre en place une formation pour les taxis moto comme pour les VTC. Il y a maintenant un examen d’état pour obtenir sa carte professionnelle et nous sommes devenus centre de formation. Nous avons une dizaine de chauffeurs en formation chaque mois. Il y a 15 jours de théorie : langues, comptabilité, gestion d’entreprise, prise en charge de clients, sécurité routière, facturation, …etc. Puis des épreuves psychotechniques et pratiques. C’est plus contraignant pour les chauffeurs mais comme l’examen prépare mieux au métier, on ne demande plus que 3 ans de permis et non 5 ans ce qui permet d’attirer plus de chauffeurs et plus de jeunes.
Quel business model avez-vous mis en place ?
Notre offre est complémentaire : nous proposons les services de transport intra urbain sur nos scooters électriques et les services hors Paris (principalement vers les aéroports) sur les motos de Citybird. Nous avons donc 2 business models différents. Coté moto, les chauffeurs sont indépendants et nous prenons une commission à la course, comme Uber. Coté scooter, nous avons mis quasiment 2 ans à affiner le modèle, passant d’un modèle de chiffre d’affaires garanti à celui de commission. Nous avons donc fait un partenariat avec notre fournisseur de scooters pour mettre en place du leasing sur les véhicules. Nous avons aussi monté un partenariat avec un assureur pour fournir au chauffeur une assurance pour la flotte de véhicules la plus globale possible, où nous jouons le rôle de tiers de confiance. Les chauffeurs n’ont donc aucune charge, ni pour le véhicule ni pour l’assurance, ce qui est l’un des freins principaux.
Enfin, nous avons mis en place un dispositif d’accompagnement et de suivi des chauffeurs pour garantir une continuité et uniformité de la qualité de service (suivi des notes des chauffeurs, formations tous les 6 mois, clients mystères, feedback…). Par exemple, les chauffeurs nous font des retours sur les comportements sur la route, nous avons donc mis en place une formation avec les communautés de cyclistes, automobilistes et moto pour sensibiliser sur l’importance d’avoir une conduite exemplaire sur les routes.
Un premier pas vers le MaaS : Mobility as a Service
Quel bilan fais-tu à date et quelles sont les prochaines étapes ?
En quelques chiffres, Felix c’est 15 collaborateurs, 150 chauffeurs (ce qui représente un tiers des chauffeurs de taxi moto à Paris). Après plusieurs levées de fond nous réussissons maintenant à être rentable sur l’ensemble de nos activités.
Pour les prochaines étapes, il y a deux axes principaux : axe business et l’axe géographique. Nous nous développons et sommes en train de nous implanter dans une autre ville française. A terme, nous aimerions aussi aller sur le marché européen, mais nous devons faire attention aux législations spécifiques de chaque pays. Aussi, notre objectif est de monter des partenariats avec d’autres opérateurs de mobilité urbaine afin d’intégrer notre service aux offres pour les professionnels ou se faire référencer sur des plateformes d’agrégateurs de mobilité (ce qu’on appelle le MaaS, pour Mobility As A Service). De nouvelles problématiques et enjeux vont s’ouvrir à nous : comment être référencé sur ces plateformes ? Comment faire vivre la marque alors que Felix sera intégré et vu par le voyageur comme un simple opérateur de mobilité ? Comment conserver notre clientèle ?
Le mot de la fin, tes conseils pour les futurs entrepreneurs ?
Mon principal conseil c’est de bien s’entourer et dès le début ! Par exemple, nous avons été accompagnés par un fond d’investissement spécialisé dans la mobilité urbaine qui nous a permis d’accélérer sur de nombreux sujets et nous a donné des réponses concrètes à nos problèmes. Ensuite, il faut se construire un écosystème de partenaires solides : ce sont des relations qui mettent du temps à se construire, ou il faut faire ses preuves. Ce sont nos partenaires qui nous ont permis de crédibiliser notre projet.
Mon 2ème conseil, c’est de ne pas mettre de barrière à son ambition. Quand nous avons contacté nos partenaires constructeurs automobile et assureur, on aurait pu se dire qu’on n’était pas légitime face à ces leaders de leur marché… mais tout au contraire ! Notre projet a été très bien accueilli car eux aussi ont besoin de se réinventer et sont donc ouverts à ces idées innovantes !