Forte d’une tradition sur ses données publiques (ex: Insee, journaux officiels…), la France a signé en 2014 l’Open Government Partnership pour rejoindre les pays promoteurs et exemplaires de l’Open data (parmi d’autres sujets). La Loi Lemaire /République Numérique est venue préciser les droits et devoirs sur l’Open data. Après les annonces politiques et internationales, où en est la France? Quelle stratégie menée par les collectivités territoriales a placé la France à la 4ème position des pays les plus transparents sur leurs données publiques ? 1 an après la mise en vigueur de la Loi Lemaire obligeant les collectivités territoriales à donner un accès libre aux données de nature publique, quelles inégalités subsistent entre les territoires ?
La France à la pointe de l’open data ?
En octobre 2018, l’observatoire national de l’open data constatait un déploiement mitigé de l’open data dans les collectivités concernées par la Loi Lemaire :
- 90% d’entre elles n’avaient pas encore diffusé la moindre donnée publique
- seulement 100 plateformes open data en place pour couvrir le territoire français
En cause : un manque d’intérêt des producteurs de données, des difficultés organisationnelles et un manque de ressources et/ou de compétences. Pour relativiser ce constat sévère : en 2019, l’Open Knowledge Foundation classe la France à la 4ème place mondiale en termes de mise à disposition des données publiques. Pour continuer à prendre le verre à moitié plein : les choses bougent en France ! Depuis octobre 2018, le nombre de plateformes open data françaises a augmenté de 70% (169 aujourd’hui). L’aventure française de l’open data ne fait que débuter mais elle porte déjà certains succès (ouverture de la base Sirene) et en augure bien d’autres car les collectivités territoriales savent manifestement… innover !
Quelle stratégie de l’open data en France ?
Mutualiser pour mieux régner
Le manque de moyens a poussé très tôt les collectivités territoriales à mutualiser les plateformes open data. Dès octobre 2018, 40% des plateformes étaient le fruit d’une mutualisation. Beaucoup de collectivités ont par exemple fait le choix de passer par le plateforme data.gouv, elles bénéficient ainsi d’une structure pré-existante ne nécessitant pas d’investissement supplémentaire. A une échelle plus locale, la plateforme open data Sud réunit des données à de multiples échelles de collectivités territoriales pour la région PACA. Dans ces deux cas de figure, les collectivités territoriales et organisations constituent autant de contributeurs permettant aux utilisateurs d’accéder à une donnée plus ou moins locale. Un autre exemple qui ne manquera pas de rassurer les haut-normands dont je fais partie : notre région existe toujours ! C’est en tout cas ce que je me suis plu à penser en tombant sur la plateforme open data mutualisée de l’Eure et de la Seine Maritime…
Peu de spécifications ? Pas de spécifique ! 
Certaines collectivités territoriales ont fait le choix du développement spécifique pour leur plateforme open data. La tendance 2018-2019 montre une frilosité grandissante des CT à s’embarquer dans de tels projets (cf figure ci-contre, source : observatoire open data des territoires) étant donnée la nature « standard » d’un projet de développement de plateforme open data (coûts mutualisables, technologies matures déjà existantes, …). Le choix du spécifique se ringardise d’autant plus que des entreprises françaises (comme opendatasoft qui réalise aujourd’hui 40% des plateformes des CT) possèdent un savoir-faire déjà bien rodé en la matière et que des outils sont déjà à la disposition des collectivités…
Du neuf avec du vieux
Géoportail est à la base un service web publique développé par l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) en 2006 dans un but de recensement de l’information géographique de France. Ce portail est aujourd’hui de plus en plus utilisé (cf figure ci-dessous, source : observatoire open data des territoires) pour la mise à disposition de données « généralistes » – SIREN, accidentologie, résultats d’élection, etc. – de nature publique par les collectivités territoriales (principalement les départements et les régions). Si d’ailleurs vous aviez aujourd’hui à rechercher des informations hors zones urbaines en France vous n’auriez que trop raison de préférer Géoportail à Google Map.
Toutefois, si les plateformes open data publiques se multiplient, comment sont-elles remplies avec de la donnée ?
Où en est-on en France point de vue donnée ?
Pour simplifier notre analyse nous nous sommes intéressés ici aux plateformes open data « généralistes » (terme utilisé par l’observatoire open data des territoires et qui s’oppose aux plateformes spécialisées [environnement, mobilité, …]) régionales (chaque région est censée en être pourvue).
Nous avons raisonné en nombre de jeux de données / 100 000 habitants / région. Cet indicateur reste limitant mais révèle bien les différences de niveau d’investissement des régions dans la démarche d’open data. En voici les résultats :
On observe évidemment des disparités que l’on pourrait facilement attribuer au délai de mise en application de la loi Lemaire, à son absence de sanction, et aux contingences politiques et techniques locales. Voici cependant ce que l’on peut dire :
- L’insularité semble jouer en la défaveur des régions d’outre-mer qui, contrairement à aux régions métropolitaines, ne disposent pas encore aujourd’hui de plateforme open data régionales (généralistes). Si nous considérons l’accès libre à la donnée publique comme une opportunité de développement pour les entreprises et a fortiori pour les collectivités locales (par une forme de « keynesianisme par la donnée »), parler d’inégalité pour le moment et dans ce cas ne semble pas excessif.
- Une levier de réussite pour réduire ces inégalités est de mobiliser un maximum de contributeurs potentiels dans la démarche d’open data. La cartographie des contributeurs à l’open data (réalisée par l’Observatoire open data des territoires) révèle notamment l’impact positif de la participation des communes à la démarche dans les Pays de la Loire, la région PACA et l’Occitanie. Plus de contributeurs implique plus de données !
- Hors DROM, les deux dernière régions en termes de nombre de jeux de données / nombre d’habitants sont la Nouvelle Aquitaine et le Grand Est, deux « nouvelles régions » issues de la fusion de 3 anciennes régions : un bon exemple de l’impact des contingences administratives locales sur les démarches de transformation.
En attendant le rapport de l’observatoire open data des territoires qui nous apprendra plus sur ces évolutions et qui devrait paraître en octobre 2019, et si le sujet de la data vous intéresse je vous invite à lire ces articles :
- DataLab externalisé et valorisation des data, la promesse de valeur de DataGenius
- Entrepreneuriat : la data ultra-locale avec Sylvain Gilibert et Atometrics
Et à consulter ces pages :