Un dernier trimestre 2021 très encourageant selon l’INSEE

Alors que les chiffres du chômage du quatrième trimestre de 2021 viennent de tomber, de nombreuses interrogations se posent. Comment expliquer un taux de chômage si bas, atteignant un score non constaté depuis 15 ans et des difficultés croissantes pour les entreprises dans le recrutement ?   

Dans un contexte sanitaire très tendu à la fin de l’année 2021 avec l’émergence du variant Omicron, le taux de chômage de la population active en France a atteint 7,4% contre 8% au trimestre précédent. Ce chiffre représente une diminution de 189 000 personnes, défiant les prédictions de l’INSEE.  

Ce chiffre est-il directement lié à la reprise économique très forte après une année 2020 marquée par une forte récession ? La très forte récession économique en 2020 a été rapidement compensée en 2021 avec une reprise forte et une croissance avoisinant les 7% sur cette même année. 

La politique du “Quoi qu’il en coûte” aura permis de sécuriser les emplois existants, d’accélérer les recrutements et de favoriser les investissements des entreprises. Une hausse de 12,2% des investissements est à noter, notamment grâce aux prêts garantis par l’Etat. Cette baisse record s’explique également du fait de la politique gouvernementale “ un jeune, une solution”.  Cette politique aura permis d’établir un record de 15,9% (-3,6%) au niveau de l’activité de cette tranche de population; un score au plus bas depuis les années 90 et qui contribue à cette baisse.

Des résultats à nuancer

Tout d’abord, le taux de chômage est mesuré selon les critères établis par le Bureau International du Travail (BIT). Selon le BIT, pour être comptabilisé comme chômeur, il faut remplir les trois critères suivants : 

  • Être sans emploi au cours de la semaine de référence ;
  • Être disponible les deux semaines à venir pour travailler ;
  • Avoir effectué à minima une démarche significative de recherche d’emploi dans les quatre dernières semaines.

Les personnes ne respectant pas ces critères ne sont pas comptabilisées dans le taux de chômage mais dans le halo autour du chômage. Selon la définition, les individus comptabilisés dans cette statistique correspondent aux inactifs n’étant pas au chômage au yeux du BIT mais étant dans une situation qui s’en approche. Avec la crise sanitaire, ce halo autour du chômage s’est accentué notamment du fait que de plus en plus de personnes s’éloignent du marché de l’emploi.  

Toujours selon l’INSEE, le halo autour du chômage est lui en augmentation sur le dernier trimestre 2021. Une augmentation de cette statistique a de quoi fortement nuancer la baisse drastique des chiffres du chômage. En effet, en prenant en compte ce second indicateur nous arrivons à à peu près 3,9 millions de chômeurs en France sur 29 millions de personnes actives. Cela représente 13,5% de la population en capacité de travailler qui ne travaille pas, un chiffre nettement plus inquiétant.

Le halo du chômage est-il responsable des difficultés de recrutement des entreprises?

Vous l’avez sûrement entendu, voire constaté dans votre entourage, de nombreuses entreprises ont des difficultés à recruter et pour autant, le halo du chômage continue d’augmenter.

Ce phénomène n’est pas nouveau mais la crise sanitaire a fortement contribué à l’augmenter. D’autre part, il est important de nuancer ce paradoxe du fait qu’il n’est pas précisément mesuré. Sans rentrer dans les différentes estimations des plus pessimistes aux plus optimistes, la réalité des entreprises est bien présente et se constate via les nombreux témoignages des recruteurs. Ainsi, le halo du chômage, représentant environ 2,2 millions de personnes, suffirait-il à expliquer les difficultés des entreprises à recruter ? Pas tout à fait. 

Un marché segmenté

La première cause majeure soulignant la difficulté des entreprises à recruter se situe dans la qualification de la main-d’œuvre, un phénomène accentué par la crise sanitaire et pour lequel les stratégies des entreprises se retrouvent plutôt démunies. Le marché de l’emploi a été segmenté entre des secteurs très durement touchés par la crise sanitaire comme la restauration et des secteurs d’avenir avec très peu d’incertitudes futures comme le digital. Un sondage réalisé par l’institut BVA confirmait cette tendance et comptabilisait 22% d’actifs reconvertis entre le début de la crise et la période de déconfinement en juin 2020. 

Le halo du chômage augmente

La seconde cause majeure expliquant les difficultés de recrutement des entreprises est directement liée au halo du chômage. La grande partie de la population active sans emploi s’éloigne de plus en plus du marché de l’emploi. Cette population n’a plus la motivation à réintégrer ce marché pour plusieurs raisons : 

  • Le confort du système de protection social, plus généreux que dans n’importe quel pays dans le monde. 
  • La crise sanitaire souligne la démotivation de certaines salariés de secteurs à forte pénibilité (ex:l’hôtellerie-restauration). Ils constatent les conditions de travail des salariés en télétravail et souhaitent un cadre de travail moins contraignant.
  • La démotivation de plusieurs individus dans leurs précédentes recherches. Ces individus se retrouvent en chômage de longue durée et non désiré, provoquant un fort sentiment de démotivation. Pierre Meneton, chercheur à l’INSERM a réalisé récemment une étude sur le chômage longue durée. Cette étude a démontré que le chômage longue durée provoque entre 10 000 et 14 000 morts par an en France. 

Ainsi la baisse des chiffres du chômage agit comme un masque économique et social encourageant. Cependant, cette baisse ne suffit pas à expliquer à elle seule la réalité du marché de l’emploi en France. Le halo du chômage a une tendance à rendre invisible dans les chiffres du chômage une partie de la population désintéressée et éloignée du marché de l’emploi.