La presse en parle : powerpoint et excel, c’est fini. Les consultants frémissent à cette idée : comment l’IA menace le consulting ? Les rapports récents montrent que l’IA générative peut d’abord attaquer les métiers de prestations intellectuelles. Et si on demandait justement à une IA ce qu’elle en pense ! J’ai dialogué sur cette question avec les trois principales IA (ChatGPT, Bard de Google et Bing conversation de Microsoft).
Comment l’IA va tuer le consulting ?
Propos préliminaire : les images de cet article sont générées par IA ; j’ai retranscrit en italique et entre parenthèses les réponses des IA indiquées. Le reste de l’article est humain. Trop humain ?
Bing se veut rassurant sur l’avenir du consultant face aux menaces de l’IA
En posant la question de la menace de l’IA pour les consultants, Bing conversation me répond spontanément qu’il s’agit autant de menaces que d’opportunités. Ouf, me voilà sauvé. Toutefois, la réponse de l’IA devient plus précise quand je lui demande ce qui peut être fait dès aujourd’hui par IA avec un bon niveau de fiabilité (à la place des consultants…). Je transcris les réponses de l’IA en italique et mes avis, humains, dans la foulée.
- « Collecter et analyser des données provenant de sources internes ou externes, afin de fournir des informations pertinentes et actualisées sur le marché, la concurrence, les tendances, les opportunités, les risques, etc. ».
Très séduisant pour économiser des honoraires effectivement. Toutefois, l’usage montre qu’il faut à la fois poser les bonnes questions et savoir trier dans les réponses de l’IA. Par ailleurs, sur les tendances de l’IA, il faut veiller à interroger une IA qui a effectivement ingurgité des données récentes.
- « Modéliser des scénarios et des simulations à partir de données historiques, actuelles ou prévisionnelles, afin de tester l’impact de différentes hypothèses ou stratégies sur les objectifs, les coûts, les bénéfices, les risques, etc »
Ah, si seulement. Pour le moment, l’IA générative excelle à structurer dans des délais records des réponses. Je n’appelle pas encore cela modélisation de scénarios. Sur le machine learning plus quantitatif, on peut faire émerger rapidement des axes d’analyse en « clusterisant ». A ce stade, cela devient un outil nécessaire au consultant. De ma fenêtre, on n’en est pas encore à l’automatisation complète de la modélisation de scénarios. Pour le moment.
- « Générer des rapports ou des recommandations personnalisés et adaptés au contexte du client, en utilisant un langage naturel et une présentation visuelle optimisée, afin de faciliter la compréhension et la prise de décision »
Effectivement, l’IA peut aider sur la mise en forme de rapport. Plusieurs logiciels en ligne permettent de le faire. Toutefois, en demandant des recommandations et conseils plus personnalisés à Bing pour ISLEAN, cela reste encore très général. Bien structuré, mais très général pour une décision. La réponse de Bing sur l’investissement pour ISLEAN pour mettre en place ces recommandations reste général, avec une tentative de chiffrage, « indicative ».
Bard promet une alliance pleine de valeur ajoutée pour faire face aux menaces de l’IA envers les consultants
A la même question sur les menaces, Bard répond également en deux parties : d’abord une liste des menaces et ensuite une façon dont les « consultants en stratégie peuvent se préparer aux menaces de l’IA ».
Sa conclusion est tout en synthèse engagée : « L’IA est une technologie puissante qui a le potentiel de transformer radicalement le conseil en stratégie. Les consultants en stratégie doivent se préparer à ces changements en adoptant une approche proactive. »
Toutefois, après le diagnostic sur les menaces, Bard propose des recommandations. Certaines sont dignes des meilleurs cabinets de conseil :
- « Développer de nouvelles compétences : Les consultants en stratégie doivent investir dans le développement de nouvelles compétences, telles que la science des données, l’analyse prédictive et l’intelligence artificielle. »
- « Se concentrer sur la valeur ajoutée : Les consultants en stratégie doivent se concentrer sur la valeur ajoutée qu’ils apportent aux clients. Cela signifie développer des compétences et des connaissances qui ne peuvent pas être automatisées par l’IA. »
- « Collaborer avec l’IA : Les consultants en stratégie doivent apprendre à collaborer avec l’IA. Cela signifie comprendre les limites de l’IA et utiliser la technologie pour améliorer la prise de décision stratégique. »
Cela m’inspire deux réactions :
- la première c’est que la réponse est en surface satisfaisante ; elle reprend des poncifs écrits à longueur d’article. Qui pourrait imaginer que les consultants ne doivent pas se former et développer de nouvelles compétences ? C’est également en expérimentant régulièrement – à l’image de cet article – que l’on apprend ;
- la deuxième sera plus provocatrice : l’IA a répondu en deux temps à ma question sur les menaces : d’abord en format diagnostic et réponse directe ; ensuite en me donnant des conseils – que je n’avais pas sollicités par ma question !
Et ChatGPT présente les menaces et les opportunités de l’IA pour le consultant
Toujours la même question sur les menaces de l’IA etc. ChatGPT me propose la réponse la plus complète, cette fois en trois parties : un diagnostic avec sept menaces, et une liste d’opportunités pour le consultant. Je vous partage celles que j’ai trouvées les plus intéressantes :
- « Plateformes de conseil automatisées: Des solutions automatisées peuvent offrir des conseils basés sur des analyses de données sans nécessiter d’intervention humaine. Cela pourrait rendre obsolètes certaines offres de conseil, en particulier pour des questions standard ou des industries bien définies. »
J’ai eu le privilège d’accompagner une autre profession intellectuelle depuis plusieurs années, celle des experts-comptables. Ce n’est pas un secret, la profession des experts-comptables cherche à développer des offres de conseil. Ces derniers se sentent en effet menacés par l’automatisation de la fabrication des comptes et bilans. Les plateformes automatisent et les professionnels se sentent « uberisés ». C’est un peu le même sentiment qui saisit les consultants actuellement, avec l’émergence d’outils beaucoup plus puissants. ChatGPT parle de plateformes de conseils, ce qui pourra devenir une réalité. Certains ont déjà des coach embarqués dans leur téléphone pour les inciter à courir ou marcher plus, à dormir sur le flanc plus que sur le dos… Comme pour ces coach, l’accès aux données de l’entreprise sera une nécessité pour la pertinence de l’IA.
- « Réduction du temps de recherche: L’IA peut accélérer la collecte et l’analyse d’informations, ce qui réduit le temps nécessaire pour réaliser certaines études. Cela peut réduire les revenus des consultants qui facturent à l’heure ou au projet. »
Le conseil a structuré son métier avec les outils disponibles. Internet avait déjà modifié le métier, car on passait d’une information rare à une information à trier. Avec cette masse d’informations, la détection et le tri de l’information restait une valeur ajoutée du consultant. Cette menace est tout à fait valable pour les cabinets qui ne vont pas utiliser tous les outils disponibles pour accélérer la collecte d’informations. Toutefois, les clients ne font pas appel aux consultants que pour des informations disponibles en ligne. Parfois, il faut parler aux personnes… dans l’entreprise, dans le champ concurrentiel.
- « Précision et objectivité : L’IA, lorsqu’elle est bien formée, peut produire des analyses sans biais humain, ce qui pourrait être perçu comme plus précis ou objectif par certains clients. »
Tout humain est subjectif. Est-ce l’essence de l’humain d’être un sujet ou est-ce un biais ? Sans me lancer dans une voltige philosophique, je note les mots de chatGPT « lorsqu’elle est bien formée ». Cela ressemble à l’astérisque en bas du contrat, la clause d’exonération de responsabilité entre virgules. Malgré des qualités, l’IA a des biais. Que ce soit par rapport à l’algorithme sous-jacent ou les données d’apprentissage. L’avantage de l’IA est certainement d’absorber et traiter des volumes considérables de données dans un temps record. Toutefois, face au biais humain, il existe un biais artificiel avec lequel nous devrons apprendre à composer.
Avec l’IA, longue vie au consultant augmenté ?
Avec l’IA qui arrive et les menaces sur le métier, pas sûr que le consultant pourra réclamer d’augmentation vis-à-vis de ses clients ou de son patron ! En tout cas, à court terme, malgré un contexte inflationniste.
Celles et ceux qui prendront le temps de se former pourront mieux participer à la transformation du métier. Fondamentalement, je reste optimiste pour ce beau métier. L’IA peut nous aider à aller encore plus vite, plus haut et plus loin pour nos clients.
Pour des exemples d’usage de l’IA dans le conseil, je vous renvoie vers mon article précédent.
100% d’accord avec les commentaires (de l’humain) et la conclusion.