L’une des composantes du métier de consultant en transformation numérique est la veille technologique, condition sine qua non pour conseiller au mieux nos clients pour « Créer demain. Maintenant ». Ainsi, les différentes technologies d’intelligence artificielle sont incontestablement un secteur qui attire notre attention depuis un certain nombre d’années, comme en témoignent plusieurs de nos articles sur la question. Pour autant, l’année 2022/23 fut incontestablement l’année de la démocratisation de ces technologies.
De nombreux usages existaient d’ores et déjà certes, mais on voit aujourd’hui une véritable multiplication de ces derniers. Si l’on parle ici de « démocratisation », c’est en raison de l’hégémonie que sont en train d’acquérir ces technologies auprès du grand public, avec en tête de gondole, l’effet ChatGPT. En effet, ce n’est pas la première version de l’agent conversationnel, le rêve estudiantin par excellence, qui pourtant ne s’est démocratisé dans les usages, au détriment des universités, qu’au cours de cette année. Incontestablement, ce processus est d’abord le fruit des progrès en la matière, mais il ne faut pas oublier le combat culturel que poursuivent les acteurs de ce secteur.
Malgré notre pied dans le domaine, nous avons plusieurs fois tenté, non pas d’alerter, mais d’interroger sur les conséquences de l’avènement de ces technologies. C’est dans ce cadre que nous allons aujourd’hui tâcher de réfléchir à l’impact de l’IA, sur l’un des plus forts particularismes de notre civilisation : l’art. Je vous épargne d’avance tout débat sémantique ou métaphysique : nous nous cantonnerons à l’une des plus simples définitions de l’art. Prenons ainsi ce concept comme une « Expression par des créations humaines d’un idéal esthétique ». Afin d’éviter d’enflammer l’esprit de nos lecteurs, nous nous concentrerons également sur des formes d’art communément admises tels que le cinéma, la peinture ou encore la musique.
L’IA a en effet nettement évolué sur la question. Plusieurs exemples sont à recenser : AIVA compose de la musique classique qui a même été utilisée dans des films et dans des bandes-annonces. D’autres logiciels rencontrent un grand succès sur les réseaux sociaux en permettant d’utiliser la voix de célébrités diverses reprenant des airs existants. Le célèbre DJ français David Guetta a par exemple utilisé un tel outil pour reproduire la voix du rappeur Eminem. On peut aussi citer AISEO qui permet de créer de véritables peintures numériques. L’entreprise créatrice se vante même que cet outil puisse créer des œuvres qui ne peuvent « être distinguées de celles uniquement humaines ».
Voici donc ce que cet article se propose de traiter aujourd’hui : avec l’avènement de l’IA, l’art, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est-il mort ?
L’art est une expression de la nature humaine, pas de l’IA
Nous l’avons dit, nous prenons ici l’art comme forme d’expression humaine profonde. Il reflète nos sentiments, notre passé, nos expériences, notre joie, notre tristesse, nos opinions, nos idéaux, en bref : nos perspectives sur le monde. Les chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art sont bien plus que de simples assemblages artistiques ; ils reflètent des événements historiques et politiques, et une vision morale du monde. Le plafond de la Chapelle Sixtine ne renvoie évidemment pas aux mêmes enjeux que la Nuit étoilée.
Bien que l’IA soit très avancée dans la conception d’œuvres « inédites », elle manque de l’expérience humaine. Elle peut analyser des milliers d’œuvres d’art et en créer de nouvelles en fonction des motifs et des tendances, mais elle manque d’émotions, de conscience ou de vécu, ce qui finalement nous fait ressentir des choses à la vue, à l’écouter d’une œuvre. Certes, on peut considérer qu’un peintre est influencé, dans une moindre mesure certes, comme peut l’être l’IA créant une peinture, à partir de pléthore d’œuvres analysées. Or, pour l’artiste, l’acte de création est souvent une voie d’exploration, un voyage intérieur marqué par l’intuition, la surprise et la découverte. L’IA, quant à elle, fonctionne sur la base de données et d’algorithmes prédéfinis. Finalement, l’IA ne fait que faire du « nouveau avec du vieux », sans aucune réflexivité sur la question, sans recherche d’esthétique, de philosophie, de choc, d’interroger son public…
L’art est mort, vive l’art
Finalement, l’IA n’est qu’un nouvel outil supplémentaire à la disposition des artistes plutôt que de la considérer comme une menace pour l’art. L’IA peut enrichir le paysage artistique plutôt que le réduire, tout comme la photographie n’a pas « tué » la peinture, mais plutôt ouvert de nouvelles explorations artistiques.
Des artistes ont déjà utilisé l’IA pour dépasser les limites de leur création en travaillant avec des machines pour créer des créations qui n’auraient pas été possibles autrement. Une nouvelle ère de l’art peut être créée par cette symbiose entre l’homme et la machine, où la technologie et l’humanité se combinent pour produire des expressions encore inimaginables. Tout comme pour le travail, la réfléxion, la recherche, bref toutes les composantes de nos sociétés, la question n’est pas forcément de savoir ce que l’on va perdre, mais ce que l’on va gagner. De la même manière, il n’est pas question de savoir qui sera remplacé par l’IA, mais de savoir comment être complémentaires. La réponse semble encore à dessiner, mais sans trop de risques, on peut d’ores et déjà avancer que ce qui ne sera jamais substituable, est justement ce qui nous est propre à nous humains. Finalement, comme l’a dit l’humoriste Alexandre Astier : « Si l’intelligence artificielle est capable de m’imiter, c’est que je suis le problème – pas l’ordinateur ».
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