Cela devient maintenant fréquent de rencontrer sur mes projets des opposants qui, lorsque j’évoque positivement l’impact écologique de la dématérialisation, brandissent l’argument de l’empreinte carbone du numérique. C’est un argument intéressant mais qui ne résiste pas longtemps à l’analyse. Pour au moins deux raisons :
- primo : il est aisé d’aller récupérer et compiler de l’information chiffrée permettant, a minima, de nuancer des opinions à l’emporte pièce
- secundo : la réalité des processus dans les administrations montre que la dématérialisation est déjà souvent effectuée en doublon du traitement traditionnel et avec des outils peu économes en production de carbone (stockage local dans des serveurs de fichiers de documents numérisés, échange par courriel avec pièces jointes)
L’argument de l’empreinte carbone du numérique souvent brandi à tort et à travers
Je l’entends maintenant souvent. Sur tous mes projets de dématérialisation je suis confronté à des personnes qui contestent le bien fondé de l’impact positif écologique ou climatique de la dématérialisation.
Il est vrai que l’argument des bénéfices écologiques de la dématérialisation est un argument que je cite régulièrement même si ce n’est pas un argument majeur. Certaines personnes, peut-être influencées par la place croissante qu’occupe cette thématique dans le débat public et politique, interprètent peut-être cela comme un acte militant, et croient que j’essaie de faire passer sous le tapis le coût écologique du numérique.
Evidemment, et c’est ce que je leur dis, le numérique n’a pas une empreinte carbone égale à zéro loin de là.
En revanche il faut s’intéresser aux chiffres pour aller au delà des positions de principe. Et bonne nouvelle ! les sources de données existent pour se faire une idée du coût carbone et de la comparaison entre un traitement dématérialisé et son équivalent papier.
Par exemple, c’est ce que ma collègue Madeleine avait rapidement étudié dans un article de comparaison entre le parapheur électronique et son équivalent traditionnel.
Même si l’on peut très certainement critiquer la base de données de l’Adème, il n’en reste pas moins que c’est une première source intéressante pour aller au delà de la surface et se faire une opinion chiffrée sur le coût écologique du numérique.
Ces chiffres permettent souvent de montrer que la dématérialisation c’est écologique… si c’est bien fait. Et notamment si on ne « s’amuse » pas à réimprimer ou à faire du stockage local en doublon à tous les étages. Ce qui est loin d’être simple à mettre en place car les habitudes ont la vie dure.
Cependant au delà de ces analyses chiffrées un autre argument est parfois bien plus fort et complètement passé sous silence par les partisans du traitement papier (souvent par ignorance des pratiques détaillées au sein de leurs service)
Les partisans du papier « envers et contre tout » oublient souvent une douloureuse réalité
En effet plus ça va, plus je réalise que dans les différentes administrations où j’interviens, il y a de plus en plus de services ou d’équipes qui n’ont pas attendu l’arrivée d’un projet de GED, de GEC ou d’archivage pour mettre en place de la dématérialisation.
Bien souvent cela engendre des surcoûts important car ces activités de numérisation et de stockage de documents viennent en plus des activités de traitement des dossiers. Malgré tout, certains services le font car ils y trouvent un intérêt en terme de recherche et d’archivage de leurs dossiers.
Cela génère aussi une empreinte carbone non nulle et qui vient se rajouter à celle du traitement papier.
Très souvent également, des procédures de traitement par courriels se sont mises en place, et parfois avec des échanges de pièces jointes. C’est plutôt efficace dans bien des cas (notamment sur la dimension « délai de traitement » voire la dimension « productivité ») mais pas du tout écologique et contribue à alimenter du stockage parallèle à tous les étages. Les documents dupliqués dans les boites de messagerie et dans de multiples stockages propres à chaque service voire individuels font qu’un même document va se trouver dans certaines administrations en 5 à 20 exemplaires, voire même bien plus dans certains cas particuliers.
Pour le coup tout cela a un impact carbone bien plus important qu’un système de GED qui a toujours pour fondement une rationalisation voire une centralisation de l’indexation et du stockage des documents.
Toujours se souvenir que lorsqu’on met un doc en PJ et qu’on l’envoie à n personnes, on crée :
– 1 copie dans sa bàl, dans les messages envoyés
– 1 copie par récipiendaire, donc n copies
– si chacun des récipiendaire le met dans un stockage, n copies en plus
Donc pour un doc initial, on peut se retrouver avec 2n+1 copies en plus du doc original. Alors que si on envoie un lien, il n’y a qu’un document, quel que soit le nombre de récipiendaires.
Donc à moins de vouloir faire croitre le nombre de disques durs dans les Data Centers, je vous encourage à n’envoyer que des liens, ET SURTOUT PAS des PJ.
Ça c’est de l’écologie, scientifique, pas romantique.