L’industrie française a actuellement la cheminée en berne. Lorsqu’on parle de reprendre l’activité, la réalité opérationnelle reste qu’il s’agit encore et d’abord d’éviter la commotion… Difficile de se projeter dans ces conditions ! On peine à dessiner une image claire de ce à quoi ressemblera l’Industrie de l’Après, celle dont l’écho nous revient de 1 à 2 ans dans l’avenir : qui sont les fous qui osaient parler d’Industrie du Futur il y a 3 mois ? En réalité, et en regardant de plus près les questions que se posent depuis quelques années les « illuminés » de l’Industrie du Futur, je leur trouve plutôt une dimension prophétique…

Industrie de l’Après et Industrie du Futur : les questions qui se posent

Repenser le sourcing

Avec d’abord l’arrêt des approvisionnements chinois, puis l’arrêt des approvisionnements tout court, la problématique de la robustesse des chaînes d’approvisionnement est au moins la première, si ce n’est la plus importante, des questions qui ont émergé en France pour l’Industrie de l’Après-COVID. Cette question fait partie du panel des sujets adressés par l’Industrie du Futur.

Par quels problèmes à résoudre se traduit concrètement la question du sourcing en ce moment ? Quelques éléments de réponse :

  • le mono-sourcing (un composant = un seul fournisseur) – comment trouver l’équilibre entre un nombre important de fournisseurs qui sécurise l’approvisionnement mais qui démultiplie les risques et la complexité de gestion et un nombre faible de fournisseurs qui produit l’effet inverse ?
  • la non-intégration de paramètres à impact dans les décisions d’achat – quel leadtime en cas d’urgence ou d’imprévu ? Quid des risques de rupture d’approvisionnement ? Quid de l’impact environnemental de délocalisation de production de  CO2 et autres rejets, et de l’éthique quand on achète des biens à des entreprises qui font travailler les gens dans des conditions illégales sur notre territoire où les biens sont consommés ?
  • la mauvaise connaissance fournisseur (KYS – Know your supplier) – quelles données décupleraient leur valeur si elles étaient partagées entre moi, mes fournisseurs, mes clients ? (demande, capacitaire, remontées d’alertes…)
  • l’émergence de grippages aux interstices de la chaîne de valeur (relation contractuelle, partage de l’information, jeux de pouvoir…) – en tant que fournisseur, dois-je faire du stock pour assurer le redémarrage de mon client ou dois-je écouler mes stocks afin de diminuer mes coûts d’immobilisation ?

Répondre à ces questions impose forcément « un peu » de remise en questions de nos modèles mentaux dans les relations clients/fournisseurs : raisonner en intégrant les externalités, dans la mesure où la concurrence le permet, pratiquer l’open data avec nos partenaires, limiter la production dans les pays où le coût de main d’oeuvre est faible, mais qui ne justifie pas ou plus des inconvénients indirectement chiffrables, qui coûtent cher au final, etc.

Le patrimoine et la location – Usine à louer !

Aujourd’hui, la quasi-totalité des fonctions et outils de la production peuvent être louées, se faire « as a service ». Vous voulez :

  • vous munir d’une machine peu chère, retrofitée, immédiatement paramétrable,  flexible et bardée d’IoT ? Il y a le MaaS pour ça (Machine as a service)
  • bénéficier de la puissance des SI sans avoir à en endosser les coûts de maintenance et de gestion ? Il y a le SaaS (Software as a service) et l’IaaS (Infrastructure as a service) pour ça
  • mutualiser votre logistique avec d’autres entreprises pour diminuer les coûts ? Il y a le LaaS (Logistics as a service) pour ça

On pourrait ajouter à cette liste le WaaS (Workforce as a service, terme complètement inventé), l’industrie étant le premier embaucheur d’intérimaires depuis un bout de temps en France ! Blague à part, ces opportunités offertes par l’Industrie du Futur posent aujourd’hui (en cette période de crise) la question de la gouvernance du patrimoine : qu’est-il judicieux d’intégrer au patrimoine de l’entreprise ? En cette période, l’option de payer une machine à l’utilisation semble avantageuse ; en période de stabilité industrielle, la réponse est moins évidente…

Au coeur de ce sujet, le questionnement de besoin de maitrise qui impose une internalisation, si le marché n’existe pas ou s’il est immature. Et la capacité à investir les capitaux nécessaires pour assumer cette maitrise, ou le risque d’acheter et de se reposer sur un ou des fournisseurs.

La place de l’Homme dans l’Industrie du Futur

La division du travail en tâches circonscrites et spécialisées s’est imposée parce que l’industrie a eu besoin de main d’oeuvre massive alors que cette dernière était non formée. Il était nécessaire d’expliquer et d’imposer quoi faire, quand. Les finalités n’étaient peut-être même pas appréhendables par une partie du « personnel ».

L’évolution du taux d’alphabétisation et de la formation en techniciens et d’ingénieurs renverse la situation : les équipes savent assez vite quoi faire, comment faire, elles ont besoin de savoir pourquoi le faire et de considérer que le « comment faire » est conforme à leurs valeurs ou celles de l’air du temps : respect de l’environnement, solidarité, inclusion. La crise du COVID nous a tous poussés individuellement et collectivement à nous poser cette question du sens de nos activités.

Au-delà des aspects spirituels et moraux, pour lesquels chacun voit midi à sa porte, avec ses modèles mentaux et ses contraintes, nous considérons que c’est du gaspillage que d’investir dans des équipes éduquées pour les faire évoluer dans des processus adaptés à des paysans déracinés. Certes il faut former les nouveaux arrivants et les jeunes, tout le monde doit acquérir de l’expérience, mais chacun de plus en plus, est porteur de solutions au-delà de sa force brute d’exécution physico-mentale.

En la matière, il faut se méfier des bonnes intentions, elles pavent souvent la route de l’enfer. Comme le disait Alfred Sauvy à un ministre s’extasiant du travail des bulldozers, mais regrettant les emplois supprimés par rapport au temps de la pelle et de la pioche : « Monsieur le ministre, il y aurait encore plus d’emplois sauvegardés si le travail se faisait à la petite cuillère ».

La place des Technologies du numérique dans l’industrie

Les questions auxquelles s’est confronté le secteur du secondaire pendant la crise COVID sont les mêmes que celles du secteur des services à ceci près que la nécessité d’un pilotage des activités en présentiel reste bien plus souvent indispensable dans la production de nos biens matériels. Ces questions sont globalement celles de la digitalisation : quels outils optimisent le travail de mon ingénierie tout en permettant de le produire à distance (même question pour les fonctions supports), quelles nouvelles méthodes de travail et outils permettent la collaboration et le partage à distance ?

Il y a toujours de quoi être étonnés que la production de documents d’ingénierie repose encore sur des « produits d’écrivains » (Word) et de comptables (Excel) et ne permette pas de tirer de bout en bout une production documentaire depuis des spécifications initiales jusqu’aux cahiers des charges d’achat, en passant par des notes de calcul de dimensionnement et des notes techniques de fonctionnement et de mise en service, avec la capacité de remise à jour rapide en cas de changement des spécifications initiales. Le problème de la continuité d’activité et du télétravail à la production est d’autant plus complexe que ses métiers ne peuvent pas se digitaliser uniquement par les outils les plus simples du marché (suite Google/Microsoft par exemple) : quid de la télésurveillance, de l’accès en temps réel aux données des process, de la gestion du cycle de vie des produits, etc. ?

Conclusion

Les 3 problématiques citées plus haut (sourcing, patrimoine, place des équipes) ne constituent qu’une petite partie du panel des questions auxquelles va être confrontée l’industrie dans les mois/années à venir, c’est-à-dire plus vite que prévu : les technologies de production avancées, les pratiques d’excellence opérationnelle, les nouvelles technologies du numérique, l’organisation de la production, les nouveaux modèles économiques, etc. sont autant d’exemples de problématiques supplémentaires à adresser, rapidement. Si cela vous intéresse, nous vous invitons à nous laisser vos coordonnées afin que nous vous communiquions la structure de questionnement que nous avons tirée des travaux de l’Alliance pour l’Industrie du Futur :

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