Vendredi 28 février, ISLEAN a inauguré son premier Morning talk, un nouveau format de discussion au dernier étage de la Tour Montparnasse. La dématérialisation comme levier de transformation pour les organisations était à l’honneur. Cette présentation est accompagnée du Livre Blanc focalisé sur le secteur public : Administrations publiques : La dématérialisation un levier de transformation interne

La dématérialisation : toujours un levier de transformation pour les organisations en 2020

Eric Villesalmon, associé au cabinet ISLEAN, a invité Florent Cappon du Secrétariat Général/Service du numérique du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire/Ministère de la Cohésion des Territoires (MTES-MCT). Le témoignage, sous forme d’interview, a permis d’illustrer un projet de dématérialisation du courrier au sein du ministère mené depuis 2016.

Vous retrouvez ici les principaux échanges qui ont nourri cette discussion.

Bio express : Florent Cappon travaille pour la DSI du ministère MTES-MCT. Historiquement, la DSI était un important service de support au sens large, pas seulement pour le numérique. Le projet de dématérialisation est né en 2016 dans ce service puisque cette thématique fait partie des projets de transformation numérique de l’Etat. Florent était en charge du suivi du projet de dématérialisation du courrier.

Au premier plan Eric Villesalmon (ISLEAN, à gauche) et Florent Cappon (Secrétariat Général/Service du numérique du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire/Ministère de la Cohésion des Territoires – MTES/MCT).

D’où est venu le projet ?

En 2016, le sujet de la dématérialisation du courrier se retrouve au premier plan.

La volonté politiquement affichée est de simplifier l’Etat. Les directions des administrations centrales demandent à leurs agents d’emboîter le pas. Un projet est lancé avec une sous-direction de la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) : remplacer le parapheur papier par un parapheur électronique. ISLEAN est intervenu rapidement pour l’appréhension des processus métiers et pour le pilotage du projet. La solution de parapheur électronique Maarch Courrier a été choisie car elle était déjà utilisée par d’autres administrations publiques.

Quel était l’objectif principal ?

C’est un des points cruciaux. Le mandat initial est large : la dématérialisation totale du courrier entrant et sortant. Il a donc fallu définir un périmètre plus précis : le processus numérique de suivi et de validation d’un courrier. Dans les faits, le parapheur papier est remplacé par un parapheur électronique. Le courrier est numérisé à l’arrivée, notamment par les assistantes, puis il suit un schéma de validation au travers des bannettes numériques. En fin de parcours, le courrier est re-matérialisé pour envoi.

Quels ont été les principales difficultés organisationnelles à la mise en oeuvre de ce projet de dématérialisation ?

1. L’absence d’un pilotage fort

Les difficultés ont été multiples. Au départ du projet, l’annonce est politique : “Il faut dématérialiser, dématérialisation totale.” Cependant, le pilotage qui a suivi la décision n’a pas été toujours aussi fort qu’il devait l’être pour que le projet avance correctement. La décision était prise mais les différentes parties n’avançaient pas dans le même sens. Un pilotage fort est indispensable puisqu’il faut des objectifs clairs pour avancer. Or dans ce projet, la gouvernance a été plutôt molle et les décisions ont été longues à prendre.

2. Le degré important de changement pour les agents

Le manque de portage a fait ressortir la principale difficulté : le degré important du changement. En effet, En effet, le cœur de la problématique de la dématérialisation du courrier n’est pas un projet technique, mais un projet organisationnel et de conduite du changement. 

Le déploiement d’un processus digital dans une administration pose la question des démultiplications des compétences car la dématérialisation du courrier touche tous les agents. Au départ, des craintes peuvent exister de certains agents comme les assistantes qui ont peur de perdre leur fonction en passant du papier au digital. La réalité est à l’opposé. Leur fonction évolue avec plus de responsabilités que dans le monde papier. 

Pour paramétrer le parapheur électronique, il faut définir des acteurs. Dans ce projet, trois types d’acteurs ont été identifiés : assistant, rédacteur et encadrant. Cependant, aucune différence n’a été faite entre les personnes dont c’est le coeur de l’activité de rédiger des notes et ceux qui en rédigent une fois par an. En effet, lors de l’utilisation d’un logiciel spécialisé, les personnes oublient au bout de quelques mois comment l’outil fonctionne si elles ne s’en servent pas fréquemment. Elles ont donc l’impression de perdre plus de temps qu’avant avec le papier. C’est pourquoi il apparaît important d’identifier les utilisateurs réguliers et d’adapter le mode de déploiement.

L’expérience utilisateur est un point clé à ne pas négliger : il faut que l’usage soit simple pour que l’outil soit utilisé efficacement. 

3. La répartition des tâches de chaque métier

De plus, les processus métiers existants doivent être appréciés de manière globale. Par exemple, la répartition de tâches entre l’encadrant et l’assistante n’était pas vraiment claire dans le processus papier alors que pour pouvoir faire entrer les personnes dans le fonctionnement d’une application, il était nécessaire de délimiter clairement les tâches effectuées à chaque étape. La cartographie du “qui fait quoi” est très importante. Il faut anticiper ces aspects. Dans le processus courrier dématérialisé, si une personne ne peut pas remplir une tâche, il faut adapter le workflow ou trouver une solution de contournement et cela peut devenir compliqué. Or ces éléments n’ont pas été pris en compte correctement au départ. 

Comment fonctionnait le processus courrier non-dématérialisé avant cette transformation ?

Le principal bénéfice de la dématérialisation est la recherche de document, de courrier donc la fiabilité du processus. 

La dématérialisation permet la réduction des délais, à la condition de mettre les moyens dans la conduite du changement.

Cependant, la productivité directe pour l’utilisateur n’est pas majeure. Le gain de productivité n’est pas ressenti car il fait d’autres tâches par rapport à ce qu’il faisait auparavant, sans gagner réellement de temps. Il ne faut donc pas user de cet argument pour la conduite du changement. 

En revanche, la productivité globale est renforcée : il n’y a plus de perte de parapheur papier qui gaspillait beaucoup de temps.

Comment s’est déroulé l’accompagnement dans la première phase d’expérimentation ?

La première phase d’expérimentation a été compliquée mais les participants ont apprécié la réactivité concernant les problèmes avec le système de ticket. Ils ont aussi apprécié que les problèmes soient énoncés et non cachés ou amoindris. 

L’accompagnement avec l’équipe d’Eric a été très positif. Les consultants étaient dans les locaux avec les utilisateurs, ils pouvaient donc les aider facilement. Une chaîne d’assistance efficace est la clé d’un sujet de dématérialisation. Il faut être capable de traiter rapidement les demandes pour pouvoir donner un retour utilisateur satisfaisant. Une fois les premières personnes formées, les relais locaux sont aussi importants car ils font en sorte que la connaissance se diffuse.

Où en est le projet actuellement ? Comment va-t-il évoluer ?

Depuis l’ouverture du service en juin 2017, la deuxième phase d’expérimentation est toujours en cours avec une centaine d’agents d’une sous-direction de la DGALN.

Des réunions ont lieu régulièrement, mais le projet est confronté à une non prise de décision de généralisation.