De nombreuses villes dématérialisent le titre de stationnement payant. Qu’en est-il de la contravention ?
Dans mon dernier article, j’indiquais que le stationnement payant correspondait à une dématérialisation du titre de stationnement, et j’en notais les effets de bord amusants. L’humour de Courteline acquiert une corde supplémentaire : si l’agent ne spécifie pas correctement l’adresse où est stationné un véhicule, il peut générer une verbalisation indue.
Le procès-verbal de contravention non encore (totalement) dématérialisé
Dans les temps anciens, le procès-verbal de contravention était une carte comprenant des mentions manuscrites constatant l’infraction. Il s’agissait d’un titre, réputé remis au propriétaire du véhicule dans la mesure où il était glissé sous son essuie-glace. Dès les années 1960, des humoristes s’étaient amusés de cette modalité en montrant la parade de la jeune parisienne ayant mal garé sa voiture : elle prend une contravention déjà rédigée sur une voiture voisine et l’installe sous son essuie-glace. L’agent verbalisera une seconde fois le malheureux voisin, qui n’y comprend mais.
Désormais, rien n’est laissé sur votre voiture si elle est verbalisée. Le propriétaire reçoit un avis de contravention quelques jours après le procès-verbal. À son choix, il peut la payer ou la contester. Comme toutes les grandes entreprises, l’État se digitalise, et donc le paiement comme la contestation sont possibles en ligne. Pour autant, le titre de contravention est-il dématérialisé ? Pas tout-à-fait. Le titre reste physique, c’est le papier à en-tête vert. Le virus de Courteline n’a pas disparu.
On vous l’a dit une fois, mais redites-le nous…
Si l’on choisit de payer, pas de problème. Vous êtes du côté du ministère des Finances, le site amendes.gouv.fr vous permet de verser le montant de l’amende correspondant à la contravention dont vous indiquez la référence. Aussi simple qu’acheter un morceau de musique à écouter sur votre baladeur.
Mais si vous êtes verbalisé alors que vous avez payé, passée la stupeur puis l’agacement, que faire ? Constater que probablement l’adresse indiquée sur le procès-verbal est erronée. Et là, il faut vous tourner vers le procureur, autrement dit vers le ministère de la Justice. La procédure en ligne est gérée par l’ANTAI, Agence Nationale de Traitement Automatisé des Infractions. L’ANTAI ne traite que les infractions routières : excès de vitesse détectés par les radars automatiques, contraventions au stationnement sanctionnées par PV électronique. En ligne, vous indiquez le numéro de contravention, vous exposez votre requête dans le cadre prévu à cet effet, et là, étonnamment, il vous est demandé de joindre le titre de paiement de l’amende ! Bizarre, les informations qui y paraissent sont bien issues du ministère de la Justice. Un peu comme si, plutôt que d’indiquer « V/ref » dans un courrier, vous deviez renvoyer le courrier auquel justement vous faites référence.
Bref, si vous n’avez pas un scanneur pour faire du titre de contravention papier une pièce jointe informatique, impossible de contester ! Un grand projet du secrétariat général à la modernisation de l’action public s’intitulait : « Dites-le-nous une fois », pour éviter d’imposer aux administrés des formulaires où ils répètent les mêmes choses. Ici, l’administration vous transmet un papier, vous devez faire une copie électronique de ce papier plutôt que d’en mentionner la référence. Courteline a gagné un nouveau cas.
Ne contestez pas bêtement en affirmant que vous avez payé. Ce que vous devez contester, c’est l’adresse mentionnée sur le procès-verbal. Si cette adresse n’existe pas, le procès-verbal présente une « erreur matérielle », et la contravention est invalide.
…sachant que nous ne vous dirons rien
Ouf, vous avez scanné votre titre, vous avez contesté en exposant un motif valable et vous avez transmis la copie du titre en pièce jointe. Si votre dossier est recevable, vous ne recevrez aucune réponse ! Vous pouvez toutefois consulter l’état de votre dossier sur le site antai.gouv.fr.
En résumé, si le titre de stationnement est bien dématérialisé, le titre de contravention, lui, ne l’est pas encore. Le document papier envoyé au propriétaire du véhicule reste le titre. Le propriétaire justiciable doit le scanner s’il veut contester. La digitalisation est imparfaite.
Par ailleurs, le justiciable dont la contestation est recevable ne reçoit aucune information. Quand on compare ceci à toutes les notifications reçues dès que vous commandez le moindre objet sur Amazon, on peut conclure que la relation digitale avec la Justice possède encore des marges de progrès.