Le numérique à l’école, un bouc émissaire facile ?

L’UNESCO a récemment lancé un appel urgent en faveur d’une utilisation judicieuse du numérique dans l’enseignement. Les contempteurs du numérique à l’école n’en attendaient pas moins pour crier haro sur les écrans en salle de classe. Mais prenons ensemble deux minutes pour aller au-delà des grands titres. Que dit ce rapport de l’UNESCO ? 

Favoriser un accès à une éducation de qualité pour tous

La nécessité de définir une feuille de route du numérique à l’école

Le nouveau rapport mondial de l’UNESCO (ici) sur les technologies dans l’éducation souligne le manque de gouvernance et de réglementation adaptées. L’UNESCO appelle ses membres à définir les termes de leur conception et de leur utilisation de la technologie dans l’éducation. La technologie ne doit jamais remplacer l’enseignement en personne dispensé par un enseignant. Elle doit contribuer à la réalisation de l’objectif commun qu’est l’accès à une éducation de qualité pour tous.

L’UNESCO met en avant le potentiel du numérique à l’école

Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO : 

La révolution numérique recèle un potentiel incommensurable.  Mais, tout comme des mises en garde ont été formulées quant à la manière dont elle doit être encadrée dans la société, il faut accorder une vigilance comparable à la manière dont elle est utilisée dans l’éducation. Elle doit être utilisée pour enrichir le processus d’apprentissage et pour favoriser le bien-être des élèves et des enseignants. Et non à leur détriment. Il faut placer au premier plan les besoins de l’apprenant et les enseignants doivent être épaulés. Les interactions en ligne ne peuvent pas remplacer l’interaction humaine.”

Développer l’esprit critique des enfants

Manos Antoninis, Director Global Education Monitoring Report :

“Nous devons apprendre aux enfants à vivre à la fois avec et sans technologie. A piocher ce dont ils ont besoin dans la masse d’informations disponible, mais à laisser de côté ce qui n’est pas nécessaire. A permettre à la technologie d’apporter un soutien. Sans jamais supplanter les interactions humaines dans le cadre de l’enseignement et de l’apprentissage !

Les bonnes questions à se poser sur le numérique à l’école

L’UNESCO pose quatre questions auxquelles les responsables politiques et les acteurs de l’éducation devront réfléchir dans le cadre de la mise en œuvre de la technologie dans le domaine de l’éducation :

Correspond-elle à ce dont nous avons besoin ?

L’utilisation de la technologie peut améliorer certains types d’apprentissage dans certains contextes. Le rapport cite des données factuelles montrant que les bienfaits en matière d’apprentissage disparaissent si la technologie est utilisée de manière excessive ou en dehors de la présence d’un enseignant qualifié. Ainsi, le fait de fournir des ordinateurs aux élèves n’améliore pas l’apprentissage si le projet n’associe pas les enseignants à la démarche pédagogique. Il est avéré que les smartphones dans les écoles sont une source de distraction pour les élèves.

Est-elle équitable ?

Lors de la pandémie de COVID-19, le passage rapide à l’apprentissage en ligne a eu pour effet d’exclure au moins un demi-milliard d’élèves dans le monde. Principalement les plus pauvres et les habitants des zones rurales. Le rapport souligne que le droit à l’éducation est de plus en plus synonyme de droit à une connexion performante, alors qu’une école primaire sur quatre n’a pas d’électricité. Il appelle tous les pays à établir des points de référence pour raccorder les écoles à internet d’ici à 2030 et à continuer de cibler les plus marginalisés.

Peut-on la faire évoluer à l’échelle requise ?

De nombreux pays ne tiennent pas compte des coûts à long terme des dépenses technologiques et le marché des technologies de l’éducation se développe toujours plus. Alors que les besoins éducatifs élémentaires ne sont pas satisfaits…Le coût du passage à l’apprentissage numérique de base dans les pays à revenu faible et du raccordement de toutes les écoles à internet dans les pays à revenu intermédiaire inférieur augmenterait de 50% leur déficit de financement actuel pour atteindre les cibles nationales de l’ODD 4. Un passage au numérique complet de l’éducation avec une connexion internet tant pour les écoles que pour les foyers coûterait plus d’un milliard par jour pour assurer son seul fonctionnement.

Est-elle pérenne ?

L’évolution rapide des technologies impose un rythme d’adaptation contraignant aux systèmes éducatifs. La culture numérique et la pensée critique sont de plus en plus indispensables, notamment du fait de l’essor de l’IA générative. Des données supplémentaires annexées au rapport montrent que ce processus d’adaptation a déjà commencé : 54% des pays observés ont défini les compétences qu’ils souhaitent développer pour l’avenir. Mais seuls 11 des 51 gouvernements concernés ont mis en place des programmes d’études sur l’IA.

Par ailleurs, les enseignants ont également besoin de recevoir une formation adéquate. Pourtant seule la moitié des pays disposent actuellement d’une réglementation conçue pour encadrer le développement de leurs compétences dans le domaine des TIC. Peu de programmes de formation des enseignants abordent la cybersécurité, bien que 5% des attaques par rançongiciels ciblent l’éducation.

Conclusion

L’UNESCO ne cloue donc pas au pilori le digital dans les salles de classe. Il souligne seulement la nécessité : 

  • d’avoir une feuille de route claire
  • de préserver absolument les interactions humaines
  • de développer l’esprit critique des enfants
  • de former les professeurs

Autant de convictions que nous partageons chez ISLEAN (voir l’article de Amr Arbani sur les collèges numériques).

Oui nos enfants ont des difficultés alarmantes sur certaines notions (voir l’article du Figaro sur le niveau en Maths des élèves de 6ème). Mais mettre en avant ce que nous dit l’UNESCO pour tout mettre sur le dos du numérique, c’est excessif, non ?