J’étais ce week-end en famille. Mon petit frère revenait d’une semaine passée dans l’Oise*. Nous venions tous d’apprendre que 30% des français ne changeaient pas de slip tous les jours**. Tout ça pour vous dire que pas mal de nos conversations ce week-end ont tourné autour du coronavirus, et plus globalement de l’hygiène. Au détour de nos discussions, nous avons notamment évoqué les problématiques sanitaires liées à l’utilisation de nos outils numériques quotidiens ; nos smartphones, claviers d’ordinateurs, écouteurs, etc. qui sont globalement de beaux nids à bactéries et virus… Dès lors, et un peu par esprit de contradiction, je me demandais dans quelle mesure les technologies du numériques n’étaient pas plutôt et au contraire des leviers de lutte contre les problèmes sanitaires.

Pour nos lecteurs de 2021 : *fin février 2020, un des premiers foyers de Coronavirus en France est identifié à Creil dans l’Oise ; ** Selon une enquête Ifop parue le 26 février 2020, 7 hommes français sur 10 ne changeraient pas de slip tous les jours.

Le numérique : un rempart contre les épidémies

Les pixels ne rendent pas malade

Avant la recherche d’un traitement, un des premiers leviers actionnés pour endiguer une épidémie est la mise en place de mesures pour limiter sa propagation. L’indicateur de référence pour estimer la propension d’un virus à se propager est le taux de reproduction de base ou Ro. Le Ro correspond au nombre moyen d’individus contaminés par un même porteur du virus. Cet indicateur traduit à la fois la viralité d’un virus (sa capacité naturelle à se propager) et les efforts déployés localement pour limiter sa propagation (le Ro peut fortement varier d’un pays à l’autre). Pour information : l’estimation du Ro du COVID-19 se situe entre 1.4 et 2.5 (estimation de l’OMS à l’échelle mondiale). A titre de comparaison, celui du H1N1 se situait entre 1 et 2. Après cette parenthèse épidémiologique, j’en reviens au numérique avec une banalité qui doit être dite ici : les pixels ne rendent pas malades. Autrement dit, les technologies du numérique offrent une opportunité formidable à ne pas nous rencontrer, ou pour le dire moins ironiquement, à garder une distance sociale essentielle dans les situations d’épidémie : le télétravail, les achats en ligne, l’éducation en ligne et même… les fêtes en ligne. Il est difficile aujourd’hui d’estimer l’impact de la dématérialisation sur la diminution du taux de reproduction de base du coronavirus, constatons néanmoins qu’il n’a jamais été aussi facile et peu pénible de se mettre en quarantaine…

Quand l’information circule plus vite que l’épidémie

Grippe espagnole - saturation des télécommunication

Saturation des télécommunication au Canada à cause de la grippe espagnole

En mars 1918, la grippe espagnole fait ses premières victimes aux États-Unis. La première vague de victimes est impressionnante mais pas suffisamment pour inquiéter les autorités sanitaires qui estiment avoir affaire à une grippe saisonnière. Ce n’est que 6 mois plus tard que les premiers messages d’avertissement seront adressés au grand public : à ce moment-là l’épidémie est déjà devenue une pandémie. Le temps de réaction des autorités sanitaires américaines de l’époque nous paraît aujourd’hui ridiculement long et pourtant on peut imaginer le calcul fait sur le moment : le coût d’une campagne de communication et de sensibilisation était alors incomparablement plus élevé pour atteindre au final moins de personnes. Aujourd’hui, la démocratisation des technologies de l’information permet à une majorité de personnes d’accéder à de l’information produite par n’importe qui et à un coût souvent dérisoire. Plus globalement, le numérique permet de décentraliser les sources d’informations, si bien que même lorsque des épidémies se déclarent dans des états autoritaires dont la tendance est à la rétention de l’information, des lanceurs d’alerte comme Li Wenliang peuvent prendre le relais.

Datanalyser pour mieux anticiper

Connaissez-vous Healthmap ? Il s’agit d’une initiative lancée par le « Computational Epidemiology Lab » et qui avait permis en 2009 de détecter très tôt l’émergence d’une épidémie à Mexico : le H1N1. Le principe de Healthmap : rechercher, identifier et consolider sur une cartographie les alertes sanitaires issues du web (réseaux sociaux, articles de journaux, etc.) et ce automatiquement. Grâce au Machine Learning et sur la base de ces alertes géolocalisées, Healthmap parvient à identifier des patterns trahissant l’émergence de nouveaux foyers épidémiques. En plus de cela, cet outil est en accès libre à la consultation (utile en ce moment pour suivre en temps réel l’évolution du coronavirus). Healthmap n’est qu’un exemple des nouvelles applications du Big data et de l’IA pour identifier au plus tôt les foyers d’épidémie. Le 31 décembre 2019, c’est la start-up « Bluedot » qui, avant l’OMS et grâce à une solution similaire à Healthmap, lança la première alerte liée au coronavirus, leur algorithme ayant identifié «certains ingrédients similaires à ceux rencontrés pendant le Sras ». Quelques temps plus tard et notamment en croisant les paramètres du virus (viralité, modes de transmission, foyers souches…) avec les données de trafic aérien, BlueDot réussit à prédire la propagation du virus à Bangkok, Taipei, Singapour, Tokyo…

Healthmap - coronavirus

Cartographie des alertes sanitaires – Healthmap

Conclusion

Je vous ai présenté ici un panorama non exhaustif des applications du numériques dans la lutte contre les épidémies. Ces applications ne se limitent notamment pas qu’à la limitation de la propagation, la diffusion de l’information et la détection des épidémies : les nouvelles technologies sont également utilisées dans la recherche de traitements – découvrez notre article relatif à la société Iktos sur ce sujet, ainsi que notre article plus général sur la valeur produite par la Data Science.