Depuis le début du 21ème siècle, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il n’a jamais été aussi important et nécessaire de faire évoluer nos comportements. A travers cet article, nous souhaitons vous démontrer que chaque individu a un rôle à jouer dans la société et dans sa manière de l’influencer.
1) Le Nudge c’est quoi ?
Le Nudge ou “coup de pouce” en français cherche à encourager le consommateur-citoyen à adopter des comportements bénéfiques pour lui-même, la communauté ou la planète. Les enseignements de plus de 40 années de recherche en sciences comportementales, couronnées par pas moins de quatre Prix Nobels en Économie, ont montré que l’humain est un être beaucoup moins rationnel que ce que l’on pensait : les individus peuvent disposer de la bonne information et être convaincu du comportement qu’il faudrait adopter sans agir en conséquence.
Le concept du Nudge a été théorisé par Richard Thaler et Cass Sunstein en 2008 à travers un ouvrage prenant le nom du concept présenté. Selon la conception du Nudge, les enseignements de l’économie comportementale seraient en mesure d’aider à inciter les citoyens à adopter un choix plutôt qu’un autre, pour améliorer les comportements et sans contraindre.
En s’appuyant sur l’économie comportementale, Thaler et Sunstein ont cherché à proposer une approche pour concevoir des actions plus efficaces, aussi bien dans le domaine public à travers les politiques publiques que dans les sphères privées avec la vie en entreprise ou encore dans les décisions du quotidien.
2) Le Nudge prend sa source dans l’irrationalité et les influences extérieures
Si les décisions de l’homme ont longtemps été pensées comme rationnelles, elles sont systématiquement influencées par des biais cognitifs : nous faisons fréquemment des erreurs de logique qui sont le résultat de ces biais ou raccourcis mentaux. Une des illusions les plus répandues vient du fait que nous sommes des êtres amenés à comparer plutôt qu’à raisonner.
Par exemple, lors d’un achat dans une boutique de prêt-à-porter, pour rechercher la meilleure affaire, nous allons être directement influencés par le prix initial du produit que nous souhaitons acheter ; le prix de référence sera celui à partir duquel nous estimons en tirer un avantage.
Le Nudge vient chercher son essence dans les biais cognitifs et heuristiques de jugement. Plusieurs des sentiments de jugement des individus ou les raccourcis cognitifs intuitifs et rapides sont à l’origine de nos choix. Ces biais et leur influence sur nous les individus sont dus à un traitement “imparfaitement rationnel” de l’information disponible. Comme nous avons pu le voir dans l’exemple précédent du prêt-à-porter, nous ne raisonnons pas dans l’absolu, mais dans la référence.
De ce fait, nous raisonnons par référence. Nous nous en tenons à la règle par défaut, plus ou moins imposée, pour laquelle ils pourraient s’en émanciper s’il n’y avait pas ce “par défaut”. Ce constat de notre irrationalité nous amène à commettre des erreurs de jugement qui nous feront privilégier des bénéfices immédiats plutôt que des bénéfices sur le long-terme.
3) Rationaliser nos décisions grâce à l’architecture de choix
L’architecture de choix se positionne comme l’élément perturbateur essentiel afin de “nudger” efficacement. Il s’agit de la manière dont sont présentées les options de choix auxquelles un individu est confronté. Essentiellement, les nudges représentent de petits changements introduits dans une architecture de choix (c’est-à-dire dans un contexte où les décisions sont prises) dans le but d’influencer le comportement des gens de manière prévisible. De plus, ces Nudges ont une volonté de promouvoir des décisions uniquement bénéfiques pour les utilisateurs afin de maximiser leur bien-être.
L’organisation ou la personne qui propose les choix, l’ordre dans lequel il s’est fait, les mots utilisés pour le faire, les visuels qui peuvent supporter les différentes options… tout compte. Les expérimentations en sciences comportementales ont démontré que les comportements humains sont extrêmement sensibles à tout détail d’exécution.
En organisant les choix proposés, il est important de ne chercher ni à obliger, ni à convaincre, mais à orienter les décisions des individus par une architecture de choix pertinente, en leur laissant la liberté de choix entre les différentes options.
Pour illustrer l’architecture des choix, Thaler et Sunstein ont utilisé l’exemple du GPS sur les téléphones intelligents. Le système du positionnement mondial est une technologie que toute personne active utilise régulièrement. Les utilisateurs décident, de leur propre volonté, où ils souhaitent aller et l’application propose des itinéraires possibles avec plusieurs conseils. Au final, le seul décideur c’est l’utilisateur. S’il souhaite faire un détour, l’application s’adaptera à sa décision. De la même manière, mettre en avant des avis positifs ou des réductions éphémères aideront un consommateur à prendre une décision plutôt qu’une autre, le tout sans chercher à convaincre.
4) Appliquer des nudges : l’exemple britannique d’une campagne de dons d’organes
Nous avons tous un rôle à jouer dans la société. Ce rôle dépend de nos décisions et de notre manière d’influencer celles de nos pairs. Nous pouvons tous adopter une approche Nudge et la rendre efficace. Pour cela il est important de respecter plusieurs règles :
- Définir un objectif de changement comportemental
- Être conscient des enjeux et fixer des limites d’utilisation
- Inciter sans contraindre
- S’assurer que nos intentions sont bonnes et seront prolifiques aux individus visés
Un des exemples les plus notables des Nudges a été réalisé au Royaume-Uni sous le gouvernement de David Cameron. Cette expérimentation fut menée sur les dons d’organes par la Behavioural Insights Team (BIT) rattachée au premier Ministre britannique David Cameron. Une décision comme le don d’organes doit, à première vue, découler d’une réflexion approfondie en fondant son choix sur des raisons fondamentales.
En changeant tout simplement la tournure d’une phrase sur une page internet, le nombre d’adhésions au programme de dons a été significativement augmenté. La phrase ayant obtenu le meilleur score était : « Everyday thousands of people who see this page decide to register / Chaque jour des milliers de personnes qui voient cette page décident d’adhérer ».
Sur cette étude menée pendant cinq semaines et sur sept pages internet différentes avec un panel de 135 000 personnes, le résultat est sans appel avec plus de 1 300 nouveaux donateurs mensuels supplémentaires. Cet exemple démontre que le simple choix d’une tournure et/ou d’un mot peut amener à une décision radicalement différente; dans le cas présent, être donateur ou non.
Interessant et effrayant. A rapprocher de l’expérience de Milgram et nous avons là de quoi manipuler les individus et les foules.