La data pour les citoyens : extraits choisis du rapport de décembre 2020 dit rapport « Bothorel ». Comment la France risque de perdre son avancée ? Si ce rapport publié fin 2020 avait pu mobiliser dans la communauté Data, il est utile de revenir sur cette saine lecture, qui permet de reposer quelques principes sur l’utilité de la Data et aussi des pistes de réflexions pour dépasser les blocages de mise en œuvre.

 

La France à l’avant-garde de l’Open Data

Rappelons le, en ces temps où chacun peut facilement trouver des pistes de retard en France ; « la politique des vaccins du Covid », « un système de classe à distance incapable de tenir le premier jour un an après… », il est une position dans laquelle la France n’a pas démérité depuis quelques années, l’Open data. On voit ainsi la France en 2ème position européenne (derrière le Royaume Uni) ou 3ème position mondiale (le Canada en plus du Royaume Uni) selon un classement international de 115 pays, l’Open data barometer[1].

Open data

La Loi République Numérique de 2016 a posé le principe d’obligation par défaut de publication des données traitées par les services publics (sauf RGPD et secret des affaires). Toutefois, comme le rappelle l’expérience avec les données ouvertes et leurs producteurs publics, la loi ne suffit pas toujours à avoir transformé l’ensemble des acteurs publics en producteurs de données ouvertes. Toutefois, les collectivités les plus avancées comprennent le lien entre l’ouverture de leurs données et l’impact sur l’écosystème économique et leur image pour les citoyens, en un mot leur attractivité.

Pour revenir au rapport Bothorel, le rapport rappelle les intérêts de l’ouverture de la donnée, qui revêt plusieurs intérêts :

  • Scientifique, en tant que vecteur de connaissance ;
  • Economique, car levier d’innovation ;
  • Démocratique, en facteur d’amélioration continue du Service public ;
  • Politique, qui contribue à restaurer la confiance dans l’action publique.

Dans le cas où seul le business vous intéresse, une étude de la Commission européenne de 2019 évalue à 28 Milliards d’euros la valeur de l’Open data conduit à ce jour.

argent dans une grotte

Les freins ne sont pas encore tous levés…

Le rapport indique que l’ouverture n’est pas encore satisfaisante pour montrer le plein potentiel de la politique. Sans détour, ce qui est assez rare pour un document de ce type, le rapport parle des freins :

  • La sécurité, servant souvent à « masquer une mauvaise foi » ;
  • Les fermetures « politiques », cachant la crainte de la remise en cause ou du mauvais usage ;
  • Les usages précédents, qui pouvaient rendre onéreuses des données produites sur fonds publics ;
  • La priorisation dans l’ouverture des jeux, inutile selon le rapport, car les réutilisations viennent du marché créé après l’ouverture.

Le rapport ne mache pas ses mots : « le partage de données entre administrations de l’Etat est scandaleusement faible, au point que certaines direction ressaisissent des données disponibles dans une direction du même ministère, ou que l’open data est parfois le seul moyen pour une administration de connaitre l’existence puis d’accéder aux données d’une autre administration […] ». N’en jetez plus !

Lors de la reconception d’Etalab v2 en 2013, le slogan interne était « Discutons des données pour les rendre indiscutables ».

Le rapport Bothorel revient quelques années après sur les principes cachés derrière cette déclaration d’action par deux hactivistes, avec notamment :

  • La libre réutilisation par principe ;
  • La montée en qualité de la donnée, faite aussi par l’écoute des réutilisateurs ;
  • La qualité aussi de la diffusion de la donnée, ou quand le contenant compte autant que le contenu.

Un exemple emblématique de l’open data en cette période de Covid

Nous suivons tous les statistiques de l’état de santé de la population française, mises à disposition chaque jour ou presque depuis le début de la pandémie. Des outils internationaux existent et les nombreuses initiatives citoyennes ou de sociétés ont fleuri ces derniers mois.

Celle que je voulais indiquer est une initiative remarquable : https://covidtracker.fr/

Montée par un étudiant à partir des données publiques, Guillaume Rozier a contribué en tant que citoyen et data scientist à rendre accessible les statistiques, via des visualisations simples.

Suite à ce réel succès, une deuxième plateforme avec le même citoyen rejoint par des camarades, a vu le jour. Cette extension vise à faciliter les prises de rendez-vous de vaccination et éviter les gaspillages de vaccins et de temps dans la lutte contre l’épidémie : https://vitemadose.covidtracker.fr/

vaccin covid

Tout cela a été rendu possible grâce à des partage de données entre acteurs publics, privés et des citoyens. Chapeau à tous, car chacun a contribué dans la chaîne !

Visionnaire et lucide

Pour revenir au rapport Bothorel, le document synthétise quatre recommandations fortes[2] :

  • Un besoin de portage politique et administratif ; La DINUM est citée, et nous apprécions ses efforts en la matière, notamment par l’équipe Etalab.
  • Des moyens supplémentaires pour opérer la « nouvelle mission » de la donnée. Le rapport lui-même esquisse que cela peut se réaliser à coûts constants, car la donnée est un « vecteur puissant de productivité »…
  • Evidemment, une politique de recrutement, car la culture ne peut se faire sans compétences ;
  • Enfin, pour ceux qui ne pourront pas aller jusqu’aux compétences, une culture de la donnée.

Le rapport s’achève par une question pour l’action dans la durée que nous citons telle quelle. « Que se passera-t-il après ce rapport ? En l’état actuel, la mission craint que ses recommandations ne soient pas portées et suivies ».

Et si pour une fois, les auteurs d’un rapport public avaient tort dans cette question ?

désespoir du géant

Références :

[1] https://opendatabarometer.org/4thedition/report/

[2] Le rapport traite également de l’open source, mais j’ai volontairement exclu cette partie de cet article, car il me parait moins fondamental que la donnée, véritable carburant du numérique.