Depuis plus de 7 ans, j’emploie à titre de « Particulier Employeur » une personne qui fait le ménage chez moi, deux à trois heures par semaine.

J’ai utilisé le dispositif CESU (Chèque Emploi Service Universel) dès le début.

Aujourd’hui, les enfants ont grandi, changent d’école : nous déménageons.

Nous avons donc dû cesser le contrat de travail avec notre employé.

Ayant réalisé par le passé des fiches de paie avec un tableur pour notre garde d’enfants, j’avais été séduit par le dispositif CESU de l’URSSAF pour payer mon employé. Chaque mois je saisis les heures, le salaire net, je vois le montant des charges résultant (+80% par rapport au net !), qui sont prélevées automatiquement ensuite.

C’est simple et sans risque d’erreur pour moi : pas besoin tous les mois de vérifier que les taux, les lignes ou les assiettes ont été modifiés ou pas.

Au passage, mon employé a perdu 4 de ses employeurs depuis 2012, du fait de la déforfaitisation des charges sociales. Jusqu’en 2012, on pouvait choisir de payer les charges sur l’assiette forfaitaire du SMIC net. Depuis 2012, on est obligé de payer sur l’assiette du salaire net réel. C’est ça la déforfaitisation.

Comme mon employé travaille bien, la plupart de ses employeurs le payait significativement au-dessus du SMIC. En moyenne 50% au-dessus, et cette déforfaitisation a de fait augmenté la charge de 40% (+50% x 80% de charges).

Ce qui a fait dire à mon employé : « à force de vouloir protéger les gens, on finit par tous les mettre au chômage ».

Donc la paie grâce à l’URSSAF, c’est simple. J’imaginais naïvement que la fin de contrat de travail était dans le même esprit.

Quelle erreur !

Première difficulté : le formalisme et la procédure.

En cherchant « licenciement particulier employeur », le site http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F1745.xhtml, qui apparaît en premier résultat, explique :

Le particulier employeur doit respecter les étapes suivantes :

– Convocation du salarié à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge.
– Entretien avec le salarié au cours duquel l’employeur expose les motifs de la décision envisagée et recueille ses explications. À la différence des autres salariés, le salarié à domicile n’a pas la possibilité de se faire assister par un tiers. L’entretien doit avoir lieu au moins 5 jours ouvrables après la réception de la lettre recommandée ou sa remise en main propre.
– Si l’employeur maintient sa décision, notification du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre doit préciser les motifs de licenciement. Elle ne peut être expédiée moins 1 jour franc après l’entretien préalable. Toutefois, il est recommandé d’expédier la lettre au moins 2 jours ouvrables après cet entretien.

Quelle proportion de particuliers employeurs respectent une procédure aussi précise ?

Faut-il avoir été DRH ou avocat pour employer quelqu’un chez soi ?

Ensuite, le préavis !

Le même site explique :

Sauf en cas de faute grave ou de faute lourde, le salarié a droit à un préavis dont la durée varie en fonction de son ancienneté.
La date de première présentation de la lettre recommandée de licenciement fixe le point de départ du préavis.
– Moins de 6 mois d’ancienneté : 1 semaine
– De 6 mois à 2 ans : 1 mois
– 2 ans et plus : 2 mois

Puis vient le « Droit à des heures d’absence pendant le temps de préavis »

Durant la période de préavis, le salarié à temps complet a droit, sans diminution de salaire, à des heures d’absence pour rechercher un nouvel emploi.
Moins de 2 ans : 2 heures par jour pendant 6 jours ouvrables
2 ans et plus : 2 heures par jour pendant 10 jours ouvrables

À défaut d’accord entre les parties, ces 2 heures sont prises alternativement, un jour au choix de l’employeur, un jour au choix du salarié.

Le salarié qui trouve un nouveau travail pendant le préavis peut quitter son emploi :
sur présentation du justificatif de son nouvel emploi,
et s’il a effectué au moins 2 semaines de préavis.

Le salarié n’a pas droit au paiement de la période de préavis non effectuée et l’employeur n’a droit à aucune indemnité non plus.

Viennent ensuite les « Indemnités de fin de contrat »

En cas de licenciement, le salarié peut bénéficier sous conditions des indemnités suivantes :
– 
Indemnité de licenciement
– 
Indemnité de congés payés
– 
Indemnité de préavis

Commençons par l’indemnité de licenciement.

En cliquant sur le lien, nous découvrons (extrait) :

L’indemnité de licenciement est calculée à partir de la rémunération brute perçue par le salarié avant la rupture de son contrat de travail.

Là il y a un premier problème pour un utilisateur du service CESU de l’URSSAF. Cet utilisateur ne manipule que du salaire net ! Or là on lui demande un calcul sur le brut ! Il faut aller chercher dans les déclarations CESU, la reconstitution du salaire brut.

Quelle proportion de particuliers employeurs est capable d’éviter ce piège ?

Faut-il avoir été responsable de paie pour employer quelqu’un chez soi ?

 

Ensuite : L’indemnité légale ne peut pas être inférieure à 1/5e de mois de salaire multiplié par le nombre d’années d’ancienneté. Au-delà de 10 ans d’ancienneté, il faut y ajouter 2/15e de mois de salaire par année supplémentaire.

C’est compliqué mais compréhensible.

Là où cela se corse à nouveau, c’est sur le calcul de ce fameux « mois de salaire ». Car il s’agit de prestations morcelées : 3h un mois, 15h un autre, ou zéro. Il faut donc faire un calcul de « salaire de référence » :

Le salaire de référence est déterminé en prenant en compte, selon la formule la plus avantageuse :
– soit le 1/12e de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement,
– soit le 1/3 des 3 derniers mois (les primes et gratifications exceptionnelles ou annuelles sont prises en compte au prorata du temps de présence).

Si durant ces périodes, le salarié a alterné travail à temps plein et à temps partiel, le salaire de référence sera moins élevé, mais la formule de calcul reste identique. L’ancienneté du salarié n’est pas réduite du fait du temps partiel.

Si vous suivez encore, vous pouvez postuler dans un service de gestion des paies et des déclarations sociales.

Vous apprenez au passage que cette indemnité « est exonérée de cotisations sociales, de CSG et CRDS , dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement (76 080 € en 2015). Si l’indemnité de licenciement est plus élevée, la fraction qui dépasse ce plafond est soumise à cotisations, CSG et CRDS. »

On ne vous dit pas combien c’est, ni comment il faut faire pour les « cotisations, CSG et CRDS », heureusement que peu de particuliers employeurs paient des indemnités de licenciement supérieures à 76 080 €.

On apprend aussi que « L’indemnité de licenciement est exonérée d’impôt sur le revenu, sous conditions. » Merci pour mon employé.

Si vous êtes curieux, vous pourrez découvrir quelles sont ces conditions. Pour ma part, il était 22h, cela faisait déjà 2h que je travaillais à ce dossier, la fatigue était plus forte que la curiosité.

Vient ensuite « L’indemnité de congés payés » :

La rémunération du salarié qui bénéficie de ses congés payés est calculée de 2 manières :

– par la règle du 10ème, qui prévoit que l’indemnité est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence,
– et par la règle du maintien de salaire, qui prévoit que l’indemnité de congés payés est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler.

L’indemnité compensatrice n’étant due que pour la fraction de congés dont le salarié n’a pas bénéficié, les indemnités de congés payés déjà perçues ne sont pas prises en compte dans le calcul.
Le calcul doit prendre en compte la période de préavis, même si le salarié en est dispensé par l’employeur.
C’est le mode de calcul le plus avantageux pour le salarié qui s’applique.
L’indemnité se cumule avec les autres indemnités de rupture, s’il en remplit les droits (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, etc.).

Régime fiscal et social
L’indemnité compensatrice de congés payés est soumise à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales dans les mêmes conditions que le salaire. Elle est saisissable et cessible dans les mêmes limites que le salaire.

Si vous suivez encore, il y a « l’Indemnité compensatrice de préavis »

Bénéficiaires, Salariés concernés
Le salarié a droit de percevoir l’indemnité compensatrice de préavis si l’employeur prend lui-même l’initiative de dispenser le salarié d’effectuer son préavis.

[…]

Montant : L’indemnité compensatrice de préavis est calculée sur la base de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé pendant le préavis.

Aucune diminution de salaire ou d’avantages ne doit avoir lieu. L’indemnité se cumule avec les autres indemnités de rupture, s’il en remplit les droits (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés, etc.).

Régime fiscal et social
L’indemnité compensatrice de préavis est soumise à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales dans les mêmes conditions que le salaire. Elle est saisissable et cessible dans les mêmes limites que le salaire.

Ensuite, viennent les « Documents de fin de contrat »

L’employeur doit délivrer au salarié les documents suivants :
1- Reçu pour solde de tout compte qui détaille les sommes versées lors de la rupture du contrat de travail
2- Certificat de travail précisant les dates de début et de fin du contrat ainsi que la nature de l’emploi
3- Attestation Pôle emploi (exemplaire papier à commander sur le site internet de Pôle emploi ou à remplir en ligne directement)

Quelqu’un a dû avoir pitié :

Des modèles de reçu pour solde de tout compte et de certificat de travail sont disponibles sur www.netparticulier.fr ainsi que dans la brochure sur le licenciement du salarié du particulier employeur.

Les deux premiers documents sont assez compréhensibles, logiques et simples à produire, notamment grâce aux modèles fournis.

Pour produire l’attestation employeur, un nouvel univers s’ouvre sous vos pieds (et vos yeux fatigués : il est 22h30 !).

De lien en lien, vous aboutissez sur le site suivant : https://particulieremployeur.pole-emploi.fr/particulieremployeur/authentification/authentification

Bien entendu, vous n’avez pas de compte. Il faut en créer un. Bonne surprise : ça fonctionne et ça va vite. 10 minutes plus tard, vous avez reçu plusieurs mails séparés avec un identifiant dans un des mails, et le mot de passe dans un autre, par soucis de sécurité j’imagine.

Première étape : on clique sur « Saisir une attestation » dans un grand rectangle orange « Mes attestations employeur ».

Une première page apparaît où il faut confirmer ses coordonnées et donner un numéro « PAJEMPLOI », « CESU » ou « URSSAF ». Je donne mon numéro URRSAF, car sur le site CESU de l’URSSAF, ce numéro est appelé numéro URSSAF. Ça ne marche pas. Je pense à mettre ce même numéro dans le champ « CESU » et là, ça marche.

J’essuie la sueur de mon front.

Je valide, une nouvelle page apparaît. Il faut saisir les « Coordonnées du salarié » et des « Informations sur l’emploi ». Une quinzaine de champs. J’ai une difficulté pour trouver la date de naissance de mon employé. Par le NIR (numéro INSEE) je connais l’année et le mois, mais pas le jour. Heureusement, en fouillant le site CESU de l’URSSAF, j’arrive à trouver la date de naissance complète.

Ensuite, une page sur le « contrat de travail » :

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Il faut préciser les périodes de « Préavis effectué et payé », « non effectué et payé » et « non effectué non payé » !

Dans le cas d’un employé 3h par semaines qui termine au bout des 2 mois de préavis, comment renseigne-t-on ces dates ?

Attention, pour le dernier cadre, « Période d’emploi » à bien distinguer la date de dernier jour de contrat, c’est à dire celle jusqu’à la fin du préavis, de la date du dernier jour travaillé et payé !

À ce stade je me pose à nouveau la question : Quelle proportion de particuliers employeurs renseignent ces champs avec des données exactes ?

Faut-il avoir une maitrise en droit du travail pour employer quelqu’un chez soi ?

Ensuite, « Etape 3 », « Salaire et primes ».

À mon avis un chef d’oeuvre de complexité comme notre riche société a encore (?) les moyens de se payer.

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Il faut renseigner, pour chacun des douze derniers mois, le nombre d’heure travaillées, le « Nombre de jours non integralement payés (congés sans solde, arrêts maladie, etc…) », et le salaire net mensuel.

Ici, le système a pitié, et ne demande pas de salaire brut.

Il faut fournir une explication de la variation du salaire. « Parce que mon employé a décidé de travailler des jours en moins ce mois-ci », ou « parce qu’il y a presque cinq semaine dans ce mois et que mon employé est donc venu cinq fois ».

Un avant dernier écran nous invite à récapituler diverses sommes versées. Six champs à renseigner, avec des messages d’erreur qui apparaissent si vous mettez le chiffre « 0 » dans une case, alors qu’il faut la laisser vide.

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Le dernier écran est celui de validation finale, où vous laissez vos coordonnées :

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Une fois ce parcours du combattant effectué, vous pouvez imprimer une attestation employeur en bonne et due forme, et il ne vous reste qu’à le donner avec les deux autres documents à votre employé.

Il est 00h20.

Engourdi par la fatigue et ahuri par l’incroyable parcours accompli, vous vous posez quelques questions :

est-il pertinent d’utiliser la puissance de l’informatique, d’internet, des technologies en général, pour nous permettre de gérer une telle complexité ? Ne faut-il pas graduer la complexité aux enjeux ? In fine, mon employé a touché quelques centaines d’euros d’indemnités et touchera quelques dizaines d’euros d’allocations chômage par mois. Cela valait-il plus de 3h de travail, pour un résultat de fiabilité douteuse ?

– Quelle proportion de particuliers employeurs est capable d’aller au bout de ce parcours sans faire d’erreur ? À quoi bon une telle complexité ? Ne peut-on imaginer des règles plus simples ?

Ne peut-on pas imaginer faire le dossier de rupture à partir du dossier CESU de l’URSSAF où il y a tout l’historique ? La réponse est « non » car l’URSSAF, c’est la sphère sociale dépendant du ministère de la santé, et le traitement du chômage, c’est la sphère emploi dépendant du ministère de l’emploi, avec Pôle Emploi pour gérer les opérations, et l’Unédic pour définir les règles, organisme paritaire. Ces deux sphères n’ont pas l’habitude de travailler ensemble, et pour d’autres diverses raisons, s’ignorent voire s’affrontent. Qui aura le courage de faire fonctionner tout cela en cohérence pour redonner de la simplicité au « Client » ? Faut-il conserver des prés carrés « social » et « emploi »en recouvrement voire en guerre, et les emplois associés qui ne produisent que peu de valeur pour la société, juste par peur de sanction dans les urnes aux prochaines élections ?

In fine, quel impact sur l’emploi ? Combien de particuliers employeurs vont renoncer à employer quelqu’un à cause d’une telle complexité, ou bien vont prendre le risque immense du travail non déclaré ?

Est-ce une fatalité que d’utiliser notre richesse pour générer autant de complexité non productrice de valeur pour la société ?

Cette complexité a déjà commencé à nous étouffer en s’insinuant partout, comme un cancer. Un témoin : la chute du PIB par habitant en France depuis 2008 (-6%).