Le mardi 15 octobre, le Cigref organisait son Assemblée Générale 2019 autour de la thématique « L’âge de raison du numérique ». J’ai eu l’opportunité d’assister à cet événement, dans le cadre de ma mission à la Fondation Femmes@Numérique.
RSE et numérique, de quoi parlons-nous ? Compte rendu partiel de l’Assemblée Générale du Cigref
L’âge de raison rime avec responsabilité et c’est autour de celle-ci qu’ont tourné les différentes interventions de la Cérémonie de clôture de l’Assemblée Générale du Cigref. « Nous qui manipulons, pilotons, vendons des technologies numériques, nous avons une responsabilité » : tel était le mot d’ordre de la soirée.
La conférence a débuté par un mot d’introduction du Président du Cigref, Bernard Duverneuil. Puis, Jean-Christophe Lalanne, un des Vice-Présidents, a défini le concept « Age de Raison ». Corinne Dajon, Administratrice Cigref nous a ensuite parlé des enjeux de la valeur stratégique de la confiance. Nous avons alors assisté à une table ronde où la question de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) a été adressée et la façon dont elle concerne les directions des systèmes d’information. La conférence s’est clôturée par le questionnement de Jacques-François Marchandise, délégué général de la Fing sur les mutations profondes de la société.
Cet article porte sur le contenu de la table ronde qui réunissait des experts de la RSE et du numérique :
- Muriel Barnéoud, Directrice de l’engagement sociétal du groupe La Poste
- Godefroy de Bentzmann, Président du Syntec Numérique
- Isabelle Juppé, Directrice de la responsabilité sociétale du groupe Lagardère
- Jean-Claude Laroche, Vice-Président du Cigref et DSI de Enedis
Les enjeux du numérique dans les politiques RSE
Les enjeux des entreprises autour de la RSE tournent majoritairement autour de deux piliers : l’environnement et le droit humain. Muriel Barnéoud considère que le “numérique éthique” doit comprendre ces deux enjeux. Il y a encore peu de temps, on n’imaginait pas l’ampleur qu’allait prendre le numérique ni à quel point ce domaine serait transversal. Aujourd’hui, toutes les activités économiques et non économiques sont touchées. Ainsi, on tend à donner sens à la manière dont on utilise le numérique.
L’avis d’Isabelle Juppé est similaire à celui de Muriel de Barnéoud. La RSE est basée sur le double pilier climatique et humain et le numérique se doit d’être intégré aux enjeux de la RSE. Le numérique est en effet devenu transversal, c’est-à-dire qu’il s’applique à tout type de structure et domaine, ce qui amplifie son impact. Il doit donc être au centre des prises de décisions faites par l’entreprise et en l’occurrence au sein des politiques RSE. La transversalité du numérique et la création de valeur qu’elle engendre a provoqué de nouveaux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux.
Isabelle Juppé a évoqué un dernier enjeu, celui de la confiance. Le numérique est en effet source d’interrogations et de méfiance ; avec particulièrement la cybersécurité.
Respecter les propriétaires des données
Jean-Claude Laroche évoque la question éthique de la gestion des données des entreprises. Concrètement, cela implique la protection de la donnée, la transparence de son utilisation et le consentement des personnes concernées. Le DSI de Enedis mentionne la réelle dimension éthique du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données).
Il souligne aussi que la valeur retirée des données doit revenir aux consommateurs (en leur permettant de consommer moins par exemple) et servir à la transition énergétique, et plus particulièrement dans le contexte d’un service public.
Les biais de genre
C’est avec Isabelle Juppé que la question du biais de genre s’est posée : la position des femmes dans les domaines du numérique a très peu évolué, et pour certains secteurs a même régressé.
Isabelle Juppé prend l’exemple de l’intelligence artificielle. En effet, les biais de genre se retrouvent dans les bases, c’est à dire dans les données qui véhiculeraient elles-mêmes des stéréotypes existant dans la société. L’intelligence artificielle a remis sur le devant de la scène le sujet de la disparité entre les femmes et les hommes dans le numérique. Les algorithmes et le machine learning devraient servir à identifier et lutter contre ces biais. L’enjeu aujourd’hui est la croissance du nombre de femmes dans ce domaine : comment les y faire rentrer ? Comment casser les stéréotypes véhiculés dès le plus jeune âge ?
Beaucoup d’initiatives aujourd’hui sont prises pour lutter contre ces biais (dont la Fondation Femmes@Numérique) et c’est un très bon signe !
L’inclusion du numérique et le rôle des DSI
Le numérique est partout et est un acteur-clé de la transformation de notre société. Cependant, il existe une fracture du numérique que Godefroy de Bentzmann met en évidence. Alors que pour certains, le numérique fait partie intégrante des habitudes quotidiennes, d’autres sont exclus de cette pratique. Ainsi, ces fameux changements causés par le numérique ne sont pas acceptés par la globalité de la société.
Godefroy de Bentzmann questionne donc le rôle du DSI dans la gestion de cette fracture : le DSI doit non seulement se poser des questions budgétaires ou techniques mais aussi s’assurer de l’accessibilité et l’acceptation des projets par l’intégralité des parties prenantes. Le DSI doit travailler en alertant, en éduquant et en analysant les impacts potentiels. Il est aussi nécessaire de garantir un sens à ses démarches. Godefroy de Bentzmannn affirme qu’il est indispensable que les DSI fassent partie des comités exécutifs. En effet, si ce n’est pas le cas, les entreprises prennent le risque de traiter le numérique comme de la technologie et/ou de ne pas aller au bout des démarches.
Jean-Claude Laroche, DSI d’Enedis qui a eu la responsabilité de déployer les compteurs connectés Linky, illustre cette problématique d’inclusion numérique rencontrée lors de ce déploiement. En effet, la mise en place de ces objets numériques ont permis d’avoir une vision très exhaustive des réactions des gens au numérique. Selon Jean-Claude Laroche : “nous avons pris le truc un peu trop comme des ingénieurs” et le panel de réactions s’est révélé intéressant : la société vit une crise de confiance à l’égard des sciences et des techniques.
“Ma conviction profonde est qu’il n’y aura pas de numérique durable sans adhésion. Nous allons vers une crise majeure, si nous ne prenons pas cette dimension là en compte. L’inclusion c’est la clé de la réussite dans ce domaine-là”.