La santé s’automatise, et face à des soins parfois trop chers et inaccessibles pour certains, la numérisation peut être une solution. D’ailleurs les technologies intelligentes sont de plus en plus utilisées dans les soins de santé – par exemple, des algorithmes qui peuvent aider à prédire l’hypotension pendant les opérations ou à surveiller les patients chroniques à domicile.

Serons-nous soignés par des robots ?

Certaines applications vont encore plus loin : Le géant informatique américain IBM a développé le super-calculateur Watson. Si vous lui posez une question, il peut formuler la bonne réponse en quelques secondes après avoir parcouru une collection d’encyclopédies, de livres, de magazines, d’articles scientifiques et de sites Web téléchargés. Cet outil a été formé au langage et aux connaissances médicales. Les chercheurs ont investi des milliers d’heures pour que le robot puisse maîtriser des informations complexes et cliniques ; et cela s’avère être un succès. En effet après un an d’études médicales au Memorial Sloan Kettering Cancer Center de New York, Watson a réussi son examen d’oncologie avec brio. Actuellement, le robot travaille avec des médecins pour créer les meilleurs plans de traitement possibles pour les patients.

Un match robots versus humains ?

L’idée selon laquelle les machines et les robots seront capables de surpasser les humains dans certains domaines n’est pas nouvelle. Le chercheur suisse Jörg Goldhahn soutient que les machines ont le potentiel d’être plus précises que les médecins humains pour poser des diagnostics dans des spécialités telles que la radiologie, la dermatologie. Un robot serait également meilleur pour effectuer des interventions chirurgicales, ayant le geste plus sûr. En outre, toutes les informations disponibles sur les soins de santé peuvent être «transmises» à un robot par «apprentissage automatique», lui permettant ainsi de disposer de toutes les connaissances factuelles possibles. Beaucoup d’expérimentations avec les robots médicaux sont donc menées, c’est le cas à l’université chinoise de Tsinhua où des chercheurs ont développé le robot Xiaoyi, à qui ils ont transmis deux millions de dossiers médicaux et un million d’images. Puis ils ont inscrit Xiaoyi à l’examen national de théorie médicale : pari réussi, le robot a obtenu un score de 456 sachant que le minimum requis est de 360 points.

La question de l’éthique

Faut-il déduire de cela que nous serons bientôt pris en charge par des robots et non plus des humains ? Cela reste improbable, car même si en termes d’absorption de connaissances le match robot / humain est perdu d’avance, qu’en est-il de la capacité à gérer l’incertitude, les décisions difficiles ? Il y a tant de dilemmes éthiques dans les soins de santé. Considérez, par exemple, des choix moraux tels que l’avortement, le choix ou la poursuite du traitement… Comment un robot devrait-il décider dans une telle situation ? Ces dilemmes ne peuvent être ignorés dans le développement de ce type de technologie. Qu’en est-il également de l’aspect relation patient-médecin ? La confiance que l’on donne à son médecin traitant, le sentiment d’être entendu et écouté par quelqu’un qui comprend la gravité du problème ou la souffrance, permet au médecin de ne pas être substitué par un robot -car toute la notion d’empathie passerait alors à la trappe. À cela vous pourriez me rétorquer qu’avec les robots, les patients feraient face à moins de préjugés et à plus de neutralité, que nenni…  Une étude de Cardiff a montré que des robots basés sur l’IA étaient capables de développer des préjugés, l’argument n’est donc pas recevable.

Une complémentarité plus qu’une substitution

Il n’est pas pertinent de penser l’automatisation de la santé en termes de substitution d’acteurs par d’autres -à savoir des médecins par des robots, mais plutôt en termes de complémentarité. Je me risque à un peu de projection étant nécessairement influencée par la situation actuelle : cette complémentarité médecin-robot pourrait s’avérer salutaire dans des contextes pandémiques -même si les médecins sont liés par leur serment d’Hippocrate et se sont engagés au service de la santé et du soin à apporter à autrui, il serait évidemment préférable d’envoyer « au front » des robots et non des humains.