Nous conseillons régulièrement nos clients quant à leur stratégie d’hébergement de leurs applications et de leurs données. Ces stratégies prennent en compte les coûts et les enjeux financiers de nos recommandations. Le choix se porte habituellement sur l’hébergement dans le Cloud ou On-Premise. Nous n’avons jamais étudié l’impact RSE de ces choix par le passé, mais nous en sommes maintenant capables et nous pouvons vous aider. Voici quelques éléments sur un périmètre restreint, avec une focalisation sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le cas d’ISLEAN.
Stratégie RSE : Hébergement Cloud vs On-Premise
Des données et des applications
Faute d’études et de documents à ce sujet, je propose de nous restreindre au cas d’un cabinet de conseil comme le notre pour lequel j’ai accès aux informations telles que la quantité de données hébergées et l’utilisation du réseau. Je vais également étudier ce qui se passe en RUN, et exclure les projets de transformation et les immobilisation du périmètre de l’article.
Nous hébergeons la majorité de nos quelques 2To de données sur un Cloud de Google. Notre ERP majoritairement sur Google Workspace et nos applications sont également majoritairement en ligne. Notre utilisation du réseau pour y accéder et travailler est d’environ 2,5Go par jour et par consultant. La majorité est consacrée à l’utilisation de la visio, suivi de l’accès à nos outils de travail et à nos documents.
Quelles sont nos émissions actuelles liées à l’hébergement des données et applications ? Quel serait l’impact RSE (émissions notamment) si nous décidions de migrer nos données et applications on-premise depuis le cloud ?
Hébergement dans le Cloud
Nous avons déjà évalué la contribution de notre stockage, de l’utilisation du réseau et des applications lorsque nous avons réalisé notre bilan carbone.

Emissions : stockage, applications et réseau
L’hébergement de nos données émet globalement 4 tonnes de CO2 par an rien que par leur consommation d’énergie. Notre utilisation des applications offertes par Google (hors visio, déjà prise en compte par ailleurs), engendre une consommation maximale de 110 kWh par an dans un datacenter de Google, hébergé en Irlande. (1)
Il faut réaliser que ces chiffres viennent d’une consommation marginale. Ils ne prennent pas en compte les actions de construction des machines et des salles ou les activités de maintenance. Un hébergeur tel que Google optimise plus facilement sa consommation d’énergie qu’une entreprise dont ce n’est pas le coeur de métier. (2) Pour chaque kWh consommé directement par un serveur de Google, 0,1 kWh supplémentaires sont nécessaires le faire fonctionner (climatisation, …). Pour une entreprise typique non spécialisée dans ce métier, il faut compter 1 kWh indirectement consommés pour 1 kWh d’énergie utilisée par le serveur.
Bilan de nos émissions liées à l’utilisation des applications et de l’hébergement Cloud : 5,44 Tonnes équivalent CO2 pour 22 consultants, soit 247 kg d’équivalent CO2 par consultant ou 6,69% de nos émissions.
Hébergement on-premise
Que se passerait-il si nous hébergions nous-même nos données sur un NAS (Network Attached System) et que nous travaillions avec des outils équivalents hébergés localement sur un serveur ?
Pour obtenir un niveau de service équivalent au cabinet, nous devrions faire l’acquisition de serveur avec une capacité de stockage, une puissance de calcul et une connectique suffisante pour servir tous les utilisateurs du cabinet sur place ou à distance. Il faut également assurer une redondance équivalente à celle proposée par l’hébergeur, donc installer 1 serveur dans 3 lieux différents.
Nous choisissons pour l’exemple un Netgear ReadyNAS 3312 (3). La mise en service et la migration impliquerait d’autres actions et donc d’autres facteurs d’émission. Il faut inclure le stockage de données supplémentaires, construction de la machine, des salles, installation, maintien en conditions opérationnelles, supervision, et renouvellement du matériel.
Pour réaliser une comparaison au plus juste, nous ne prendrons pas en compte ces actions car nous n’avons pas accès aux équivalents chez Google. Nous ne considérons que la consommation d’énergie des serveurs et les consommations indirectes pour les faire fonctionner.
Avec les contraintes que nous nous fixons, chaque serveur consommerait une moyenne de 200W selon nos estimations, auxquels il faut ajouter 200W indirects (2). Cela correspond à une consommation d’électricité totale de 10 500 kWh par an.

Emissions dues aux serveurs, stockage et à l’utilisation du réseau
Bilan de nos émissions liées à l’utilisation des applications sur serveur local et de l’hébergement Cloud : 2,09 Tonnes équivalent CO2 pour 22 consultants, soit 95 kg d’équivalent CO2 par consultant ou 2,67% de nos émissions.
Conclusion et enseignements
Les avantages pratiques de l’hébergement des données et des applications dans le Cloud sont nombreux. Il n’y a pas de salle serveur à gérer, pas de matériel à acheter, pas de maintenance, gestion de la sécurité etc. Nous n’avons aucun doute quant à la pertinence technique et financière (matériel, prestations, électricité) d’une telle migration. C’est valable pour la grande majorité des organisations, dont la gestion d’un parc de serveurs n’est pas le métier.
Mais à ma surprise, nous en payons le prix d’une autre façon. L’utilisation de services de stockage et d’hébergement des applications dans le Cloud n’est pas une stratégie efficace pour réduire ses émissions de carbone en RUN, au contraire. Notre utilisation des applications en ligne et surtout du stockage de nos données dans un data center émet 2,5 fois plus d’équivalent en CO2 à l’usage que si nous faisions notre tambouille interne.
1 facteurs l’explique : grâce au nucléaire, le mix énergétique Français est très performant (6 fois plus qu’en Irlande). Bien que le modèle de fonctionnement des data centers les force à consommer une quantité importante d’énergie pour le stockage de données, il restent plus efficaces en énergie consommée mais plus polluants à cause des sources primaires utilisées : charbon, gaz, fioul. Un atout pour les acteurs Français ?
La différence ne représente que quelques pourcents de nos émissions totales. Je pense malgré tout qu’il est important de prendre des décisions stratégiques en ayant conscience de l’impact RSE du Cloud et de l’on-premise.
Sources :
(1) Google Apps: Energy Efficiency in the Cloud – https://static.googleusercontent.com/media/www.google.com/en/us/green/pdf/google-apps.pdf
(2) https://www.google.com/about/datacenters/efficiency/
(3) Serveur Netgear ReadyNAS 3312 – https://www.fnac.com/mp28794160/NETGEAR-ReadyNAS-3312-serveur-NAS-24-To/w-4?oref=cf76fe42-e373-0ba8-46c3-90b684d63c67&Origin=CMP_GOOGLE_MP_MICRO
Mis à jour le lundi 8 février 2021 à 10h20
Bonjour
Je suis un peu surpris par ce calcul et le résultat.
Je ne vois pas la consommation électrique liée à la climatisation, dans le cas d’un hébergement « on premise ». A multiplié par le nombre de salles à équiper.
Vous mentionnez un NAS. Mais il vous faudrait un, voire plusieurs serveurs en plus : messagerie, collaboratif ….. Je ne les vois pas dans le calcul.
Sur votre conclusion : « 2 facteurs l’expliquent : le mix énergétique Français est très performant (6 fois plus qu’en Irlande), et le modèle de fonctionnement des data centers les force à consommer une quantité importante d’énergie pour le stockage de données. »
Plutôt que de Mix Energétique, parlons franchement d’énergie nucléaire, non 🙂
Par contre, le modèle de fonctionnement des DTCs les oblige à réduire considérablement leur PUE. Ce que vous n’arriverez pas à faire dans vos salles privatives.
Cordialement
F. Bréard
Bonjour Frédéric,
Merci pour votre commentaire.
Effectivement, j’ai modifié mon texte pour indiquer en conclusion que c’est le nucléaire qui permet à la France d’avoir un mix énergétique bas carbone. C’est d’ailleurs le seul facteur qui fait la différence dans le « bon » sens.
En ce qui concerne les serveurs, j’ai pris l’hypothèse qu’ils sont virtualisés sur la même machine. Est-ce que vous pensez que pour une entreprise ~20 collaborateurs j’ai quand même sous-dimensionné le système ? Nous conseillons plus souvent à nos clients de passer dans le Cloud que l’inverse, je n’ai pas l’habitude de choisir du matériel pour faire du on-premise et pour une entreprise de notre taille.
Enfin pour la climatisation elle est prise en compte dans le PUE. D’après la source (2), Google a un PUE autour de 1,1, et d’après la source (1) nous aurions un PUE autour de 2. D’où « il faut ajouter 200W indirects ». Mais je me rends compte que je devrais l’expliciter dans mon texte. Pensez-vous que ce chiffre reste trop bas ?
Bonjour Amr, Frédéric. Merci à vous pour cet échange intéressant. Pour avoir conçu et construit des usines du cycle du combustible nucléaire, je vous remercie de créditer tous les ingénieurs qui ont ainsi, comme moi pendant 4 ans, contribué à l’indépendance énergétique en France, et à la faible émission de GES de notre production électrique.
En ce qui concerne le cas, je rejoins Frédéric : il n’est pas représentatif d’une prod industrielle. Mais il l’est d’une PME ou TPE où un informaticien homme-orchestre exploite tant bien que mal un serveur avec ses applis métiers pas encore en SaaS.
Bien à vous
Bonjour Amr,
Concernant les équipements On-Prem, il faudrait rajouter les Firewalls (actuellement une simple Box en mode diode vous suffit) Si vous internalisez vous devez avoir des « vrais équipements de sécurité », qu’il faudra redonder (sur le même site).
J’avais pas vu les serveurs, donc oui, a priori un serveur suffit (ceci dit, quel service allez vous utiliser ? Surement pas les mêmes que ceux que vous fournit Google aujourd’hui).
Je suis en phase avec vous sur le PUE (c’est un facteur clef sur lequel les hébergeurs Cloud sont imbattables).
En conclusion, ce n’est pas la question du Cloud/OnPrem qu’il faut poser mais de l’empreinte carbone de a source énergétique.
En effet, si votre opérateur de cloud héberge ses infras en France (ou dans un pays « nucléarisé »), il sera tout autant compétitif de ce point de vue.
Cordialement
Frederic