Face à la concurrence au sein de l’enseignement supérieur, la mobilité et la formation tout au long de la vie des étudiants, les démarches « ePortfolios » semblent ouvrir des pistes prometteuses. Les ePortfolios de l’enseignement supérieur ont en effet le potentiel de résoudre trois problématiques majeures des employés, collèges et universités : aider l’employeur à mieux repérer son futur employé, aider les universités à remonter en valeur perçue, et favoriser la diversité pour relancer l’ascenseur social de l’université.

Transformation digitale de l’enseignement supérieur : émergence de nouvelles vedettes ou apparition d’étoiles filantes ?

Les personnages secondaires ont une drôle de façon de changer nos points de vue :
prenons l’exemple du pauvre Capitaine Crochet dans « Peter Pan ». Ou dans « Rosencrantz et Guildenstern sont morts », Hamlet joue un rôle moins important que dans la pièce originale, car son histoire est racontée par ses amis d’enfance.En changeant le prisme, les incidents mineurs peuvent en fait revenir au premier rang.

L’enseignement supérieur connaît une révolution numérique bien documentée: les universités sont submergées de données pour décrire les “personnages principaux” de cette transformation. Tournons nous vers un des personnages apparemment secondaires.

Le changement d’usage des ePortfolios dans l’enseignement supérieur

En effet, aujourd’hui, des millions d’étudiants sont en train de créer des répertoires numériques pour travailler – qui correspondent à l’évolution des classeurs documentaires des années 80, où les facultés remettaient de nombreux documents imprimés. La logique d’ePortfolios est simple : les étudiants disposent d’un moyen facile pour rassembler leurs documents et ainsi capitaliser ce qu’ils ont appris.

Historiquement, ces portefeuilles documentaires étaient réservés aux facultés ; la décision d’adopter ePortfolios revenait à l’Université, puisque l’outil était considéré comme un programme d’outillage interne. Les contenus numériques et les plateformes de distribution de formations (LMS), comme Blackboard, avaient un rôle primordial. Mais depuis un an, ePortfolios suscite l’intérêt des présidents et des doyens d’université, ainsi que celui des employeurs. Le mois dernier, l’Université d’État de Californie a, par exemple, rendu ePortfolios accessibles à plus de 3 millions d’étudiants et Alumni.

Les ePortfolios au secours de 3 problématiques majeures

Les ePortfolios de l’enseignement supérieur ont le potentiel de résoudre trois problématiques majeures des employés, collèges et universités.

#Aider l’employeur à mieux repérer son futur employé

La première problématique est ce que Peter Capelli (de Wharton) appelle la problématique du “Home Depot”. Il y a plus de 5 millions d’emplois vacants – beaucoup d’articles racontent l’histoire d’employeurs qui se plaignent d’employés désemparés et insuffisamment préparés. Faute de meilleures données, les employeurs regardent les institutions comme des labels de qualité et imaginent que l’enseignement de ces programmes est proche de leurs besoins de recrutement. Recruter un nouvel employé est comme “remplacer une pièce d’une machine à laver”.

Soit on peut trouver la pièce dans la boutique, soit on ne la trouve pas. Et si on ne la trouve pas, l’employeur attend – au détriment des diplômés cherchant des emplois. L’ouverture de ePortfolios signifie que, pour la première fois, le travail étudiant est lisible pour les employeurs qui peuvent voir au-delà des diplômes. Les employeurs peuvent en effet repérer des personnes grâce à leur travail, évaluer sa pertinence par rapport aux exigences de l’environnement professionnel et utiliser des algorithmes prédictifs pour analyser les compétences et trouver des candidats qualifiés.

Les données sur Newfound des ePortfolios permettent aux employeurs d’anticiper plus en amont l’identification de leurs futurs talents (par exemple, des étudiants dès la deuxième et troisième année), de développer alors un pipeline de candidatures et d’initialiser plus tôt le recrutement au travers de stages pour évaluer plus directement l’étudiant.

#Aider les Universités à remonter en valeur perçue

La deuxième problématique provient du scepticisme croissant sur la valeur d’un diplôme. Des collèges et universités ont besoin d’argumenter que la valeur du diplôme s’étend au-delà de ses composantes. Les frais de scolarité augmentent alors que la valeur perçue baisse. Des rapports suggèrent en effet que la moitié des jeunes diplômés sont au chômage ou sous-employés. Les collèges et universités ont besoin de fournir des formations complémentaires et des outils permettant d’améliorer l’employabilité en sortie de cursus.

#Favoriser la diversité pour relancer l’ascenseur social de l’université

La Silicon Valley et de nombreux responsables politiques voient dans l’enrichissement des données des étudiants, permis par ePortfolios, une opportunité pour résoudre un problème persistant et important : la diversité.

Il y a 50 ans, l’enseignement supérieur était considéré comme le moteur de l’ascenseur social américain. Le moteur semble désormais avoir calé.

En effet, 75% des étudiants dans les 200 écoles les plus sélectives viennent du quartile de revenu le plus élevé ; seulement 5% sont issus du quartile le moins élevé. Plus de 30 États demandent aujourd’hui que tous les étudiants créent ePortfolios et individualisent leurs plans d’apprentissage dès les années intermédiaires. Ceux-ci sont de plus en plus numériques.

Le mois dernier, 80 des institutions les plus sélectives dans le pays – y compris l’Ivy League, Stanford, l’université de Chicago, Amherst, Swarthmore et Williams – ont annoncé un plan pour fournir les ePortfolios gratuits aux élèves du secondaire.

Les élèves seront encouragés à télécharger des exemples de leur meilleur travail, à partir de la neuvième année (l’équivalent de la terminale), pour fournir aux institutions plus d’informations de meilleure qualité sur leurs capacités et leurs potentiels. Des critiques déclarent que le processus risque d’exacerber la course à l’admission des écoles, car les élèves fortunés avec l’appui et l’encouragement des cours particuliers , risquent de créer des portfolios vitrines pour améliorer leurs chances.

À plusieurs égards, les difficultés pour équilibrer talent et diversité dans le recrutement des étudiants de l’enseignement supérieur sont comparables à celles d’autres secteurs.

L’apparition du portefeuille des travaux personnels, qui suit la personne en amont et en aval de l’université

Les ePortfolios quittent donc leur rôle secondaire de démarrage et commencent à jouer un rôle plus central à l’enseignement supérieur, connectant à la fois l’aval (les diplômés vers les emplois) et l’amont (les élèves du secondaire vers les étudiants admis).

A l’image de Rosencrantz et Guildenstern, il est grand temps de considérer ce rôle majeur des ePortfolios.

 

Notre étude sur les ruptures dans l’enseignement supérieur

 

Merci à Louis-Alexandre Louvet de sa co-rédaction.

Cet article a été inspiré par un article de Ryan Craig, Managing Directeur à University Ventures, a publié en décembre sur le site TechCrunch.

Source : http://techcrunch.com/2015/12/07/the-new-digital-stars-of-higher-education/