ISlean consulting a contribué la semaine dernière à l’animation d’une conférence organisée par l’ACADI*, autour de thème « Entreprises-plateformes, Etat-plateforme : des enjeux et un défi pour toutes les organisations ». Étaient invités Jean-Louis Beffa, ex-PDG de Saint-Gobain ainsi que Clément Bertholet (Direction du Budget) et Laura Létourneau (ARCEP) auteurs de « Ubérisons l’Etat avant que d’autres ne s’en chargent ». Nous explorerons au travers de deux articles les approches des invités.
La transformation digitale, trop importante pour être confiée aux DSI ?
Retour sur la conférence « Entreprises-plateformes, Etat-plateforme : des enjeux et un défi pour toutes les organisations – 1/2 ».
Les enjeux du numérique
Jean-Louis Beffa, PDG de Saint-Gobain de 1986 à 2007, venait présenter son ouvrage publié en 2017 : « Se transformer ou mourir ».
Jean-Louis Beffa présente ce livre comme un manuel de transformation digitale à destination de la Direction de Saint-Gobain, qu’il craignait de voir sous-estimer l’enjeu.
Pour lui, le numérique amène, au travers de ses plateformes :
- La possibilité de s’adresser à une multitude d’interlocuteurs de façon unique, personnalisée et interactive (des clients mais aussi des partenaires),
- La possibilité d’accumuler sur ces interlocuteurs des données caractérisant finement les échanges. C’est cette connaissance fine qui mène, à terme, à la création de nouveaux business models.
Le digital est une transformation globale qui implique un changement de mentalité, de culture, de l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise et ne peut être de ce fait que la responsabilité du chef d’entreprise. C’est un sujet trop important pour le confier aux DSI : la mission primaire d’une DSI est d’assurer le fonctionnement des systèmes existant, pas d’imaginer l’avenir ; le risque de produire (seulement) des outils plutôt que des changements culturels serait alors trop grand.
Le rôle de la direction dans la transformation numérique
Pour l’ancien PDG de Saint-Gobain, il y quatre choses que la direction de l’entreprise doit incarner de manière unilatérale pour permettre la transformation :
- La vision et la feuille de route des plateformes à bâtir ainsi que leur degré de sophistication :
- Concernant ces plateformes, il y en a de quatre natures : plateforme clients, collaborateurs, partenaires et fournisseurs,
- Elles s’appuieront sur la construction d’une « banque » de données qu’il conviendra d’inclure dans la roadmap,
- La construction effective des plateformes est décentralisée et revient aux opérationnels : chaque métier constitue des équipes projet mélangeant des anciens qui connaissent le métier et l’entreprise, et des jeunes plus familiers avec les technologies,
- Rien de tout ça ne sera utile ou efficace si l’entreprise ne dispose pas déjà d’un CRM et d’un ERP solides et opérants !
- Les principes de communication des plateformes entre elles et l’exterieur : la politique d’API** de l’entreprise.
- La direction réalisera également une veille technologique dans le but de fournir aux opérationnels une boite à outils du digital regroupant l’accès à des expertises de pointes disruptives (ex : imagerie 3D/VR, internet des objets, intelligence artificielle) ainsi qu’à des constructeurs spécialisés dans les grands programmes et/ou le prototypage rapide. Cette boite à outil a pour objectif de permettre à ces équipes métier (responsables de la construction des plateforme) d’y intégrer ces technologies.
- Enfin la Direction doit réserver dans le budget de chaque direction les fonds nécessaires au financement de cette transformation.
Le CDO made in Saint-Gobain
Pour construire les feuilles de route et surtout en suivre la bonne mise en oeuvre, la direction peut s’appuyer sur un Chief Digital Officer (CDO), idéalement un profil jeune ayant déjà grandi dans l’entreprise (son réseau interne sera un atout majeur pour piloter les roadmap). Ce dernier s’appuiera sur un réseau de relais-CDO, identifiés par entité, pour suivre les chantiers de la roadmap et remonter les difficultés.
Dans la vision de Jean-Louis Beffa, le CDO passe tous les 2 mois en CODIR pour faire état des blocages des feuilles de route et obtenir des solutions de la part de la Direction.
Il incombe une dernière responsabilité au chef d’entreprise et à son CDO : la surveillance des start-up de son domaine d’activité. L’ancien PDG de Saint-Gobain est assez clair sur le sujet :
« Si une start-up est en train de grossir avec quelque chose d’original alors très vite il faut soit la racheter, soit racheter et soutenir une start-up concurrente… soit tenter sa start-up interne en lui laissant une autonomie totale, et laisser hurler certains dans l’entreprise. »
Des participations peuvent être prises dans une start-up partenariale… mais jamais si cette dernière est positionnée sur la même chaîne de valeur que l’entreprise.
Voila pour le privé… mais quid du public ? Vous trouverez ici notre article sur Laura Letourneau et Clément Bertholet, fonctionnaires, qui participaient également à la conférence.
*Cette conférence était organisée par l’ACADI avec la participation d’Intermines, de l’Ecole de Paris, de Telecom Paris et de la Société pour l’encouragement de l’industrie nationale. La video Periscope est visible ici.
**Note : la politique d’API de l’entreprise c’est vision globale des données et des services exposés par ses applications, en interne et en externe. Les API sont ensuite interrogées par d’autres applications pour inscrire ou récupérer de l’information.